Familles, amis et connaissances

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Terme
BUÑUEL, luis

BUÑUEL, Luis (1900, 1983), cinéaste d’origine espagnole, naturalisé mexicain. Parti à 19 ans à Madrid pour faire des études supérieures, il y rencontre Gómez de La Serna, Salvador Dali et Frederico Garcia Lorca. Il se lance dans le cinéma et commence sa carrière en travaillant avec le français Jean Epstein sur Mauprat (1926) et La Chute de la maison Usher (1928). Passionné par le dadaïsme et le surréalisme, il réalise deux films qui marquent l’histoire du cinéma : Un chien andalou (1928) et, grâce à l’argent du vicomte de Noailles et de sa femme Marie-Laure de Noailles, L’Âge d’or (1929). Lors de la guerre civile espagnole, il se met au service des Républicains ; il se rend aux Etats-Unis, où la fin du conflit le surprend, puis au Mexique où, de 1946 à 1955, il réalise, entre autres, Los Olvidados (1950), El (1952)  La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz (Ensayo de un crimen, 1955). Il termine sa carrière en Europe, avec une poignée de films parmi lesquelles on retiendra : Belle de jour (1967), Tristana (1970), Le Charme discret de la bourgeoisie (1972) ou Cet obscur objet de désir (1977).

Toute son œuvre témoigne d’une belle indépendance.  Il n’hésite pas, en effet, à s’opposer aux puissants – Famille, Église, Bourgeoisie –, et à défendre les déshérités. Il aime également dynamiter les règles du récit et abandonner les béquilles psychologiques pour mieux s’amuser avec les temps, les espaces, les attentes du spectateur. Avec lui, il n’y a plus de frontières strictes entre sérieux et humour, rêve et réalité, raison et folie. On comprend dès lors qu’il ait pu être attiré par le roman de Mirbeau, Le Journal d’une femme de chambre. Buñuel en réalise l’adaptation, avec l’aide d’un jeune scénariste, Jean-Claude Carrière, et avec, dans les rôles principaux, Jeanne Moreau (Célestine), Georges Géret (Joseph), Michel Piccoli (Monsieur Monteil), Françoise Lugagne (Madame Monteil) et Daniel Ivernet (le capitaine Mauger).

Le film, sorti en 1964, apporte quelques modifications : dans un premier temps, il situe le récit dans les années 1930 et change le nom de Lanlaire en Monteil ; puis, il concentre l’action au Prieuré, faisant de M. Rabour (le fétichiste de la bottine) le beau-père de Monsieur ; il marie, enfin, Célestine au capitaine Mauger. Dernier point : lors de l’ultime séquence, il remplace le « Vive l’armée ! » par « Vive Chiappe ! », une façon, pour Buñuel de se venger du préfet qui avait fait interdire L’Âge d’or quelques années auparavant.

En dépit des changements, le film reste fidèle à l’esprit du roman, comme s’il y avait une continuité entre l’œuvre mirbellienne et la filmographie du réalisateur. Des images et des idées communes qui se répondent ici ou là, dans ce film ou dans d’autres. Francesco, le mari paranoïaque de El, ne se délecte-t-il pas, à l’instar de Monsieur Rabour, du pied sanglé de Gloria ? Le comportement de la famille Lanlaire ne rappelle-t-il pas celui des bourgeois du Charme discret de la bourgeoisie ou de Cet obscur objet de désir ? La haine du métèque et le fascisme de Joseph, sur l’écran, ne prolongent-ils pas l’antidreyfusisme du Joseph mirbellien ? Certes, les admirateurs de Mirbeau considèrent comme une trahison le mariage de Célestine et de Mauger, « grotesque et sinistre fantoche », mais, pour Jean-Claude Carrière, il s’agissait, avant tout, « de ne pas totalement condamner l’héroïne », de « la faire devenir à son tour une bourgeoise et de laisser la fenêtre ouverte sur la manière dont elle allait se conduire elle-même avec ses propres domestiques ». Une concession peut-être à l’optimisme, mais qui ne retire rien à la qualité d’une adaptation de Mirbeau, sans doute la meilleure à ce jour.


Y. L.

 

Bibliographie : Jean-François Nivet, « Rencontre avec Jean-Claude Carrière, L’adaptation du Journal d’une femme de chambre », Cahiers Octave Mirbeau,  n° 2, 1995, pp. 238-244 ; Tesson, Charles, « Jean Renoir et Luis Buñuel - Autour du Journal d'une femme de chambre », in Nouvelles approches de Jean Renoir, Université de Montpellier III, 1995, pp. 39-61 ; Vanoye, Francis, « Trois femmes de chambre (note sur deux adaptations du Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau) », Actes du colloque de Nanterre, Relecture des “petits” naturalistes, Université Paris X, octobre 2000, pp. 451-455.

 


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