Familles, amis et connaissances

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Terme
CLARETIE, jules

CLARETIE, Jules (1840-1913), romancier et journaliste très prolifique. Il a publié de nombreux volumes dédaignés par Mirbeau et Zola, parmi lesquels Monsieur le ministre (1881), Brichanteau comédien (1896), adapté au théâtre par Maurice de Féraudy, et plusieurs ouvrages sur la guerre de 1870 et la Révolution. Il a été élu à l’Académie Française en 1888 et, pendant l’affaire Dreyfus, a été un des très rares académiciens à être dreyfusistes. De 1885 à sa mort, il a été l’inamovible administrateur de la Comédie-Française, où, devenu seul maître à bord, en octobre 1901, il s’est empressé de recevoir la grande comédie de Mirbeau Les affaires sont les affaires, qui n’avait été reçue qu’« à corrections » par le comité de lecture.

Si Mirbeau n’a que mépris pour l’écrivain, il a accueilli avec faveur sa nomination à la tête de la Maison de Molière, comme en témoigne sa « Chronique parisienne » du 23 octobre 1885, dans La France : « Je ne suis pas suspect de partialité envers M. Jules Claretie, à qui j’ai souvent et franchement exprimé mon opinion sur sa littérature, mais je suis forcé de déclarer que, dans le temps présent, on ne pouvait faire un meilleur choix. M. Claretie est un homme aimable, travailleur, bienveillant, et qui a “des clartés de tout”. Je le crois très supérieur à ses œuvres, qui sont pourtant très nombreuses et très variées. Ce n’est pas un audacieux, mais ce n’est pas non plus un sectaire, et il possède le goût des lettres, sans parti-pris d’écoles. » Il a eu l’occasion de faire plus amplement connaissance avec Claretie, lors du procès d’Alfred Dreyfus, à Rennes, dont l’administrateur  faisait des comptes rendus, signés du pseudonyme de Linguet, pour le compte du Temps. C’est à ce moment-là que Claretie lui a suggéré d’écrire une pièce pour la Comédie-Française, dont le polémiste avait pourtant dit force mal. Fort de ces encouragements, Mirbeau a rédigé Les affaires sont les affaires dans un état d’esprit quelque peu euphorique et fort inhabituel et, le 29 mars 1901, a lu sa pièce à l’administrateur qui, enchanté, a immédiatement convoqué le comité de lecture et lui en a parlé favorablement. Mais, à en croire les Comédiens-Français du comité, dans leur « procès-verbal » du 18 octobre suivant, Claretie aurait joué double jeu, en poussant deux d’entre eux à voter « à corrections », plutôt que pour une réception pure et simple, ce qui a amené Mirbeau à retirer sa pièce et, à la suite du scandale provoqué par ce refus mal déguisé de sa grande comédie, a entraîné la suppression du comité de lecture. Furieux d’avoir été floués et d’avoir perdu tout pouvoir, les comédiens informèrent Mirbeau de la duplicité de leur patron. Il s’ensuivit une entrevue orageuse, le 27 octobre. Mais le dramaturge ne put obtenir pour autant que sa pièce fût jouée rapidement, comme il l’aurait souhaité, en échange de son généreux pardon... Après la répétition générale, si l’on en croit Mirbeau, Claretie lui aurait demandé instamment de chambouler complètement le dénouement de sa pièce, mais il s’y serait refusé. En fait, il a bien procédé à des modifications avant la première, le 20 avril 1903, afin de le rendre moins difficile à digérer. L’énorme succès des Affaires à travers le monde atténua les rancœurs et facilita le rabibochage entre les deux hommes.

Mais de nouveaux différends surgirent en 1906, lorsque Mirbeau, associé à Thadée Natanson, proposa à Claretie de recevoir Le Foyer. Effrayé par les audaces de la pièce, l’administrateur commença par refuser, malgré la (molle) pression d’Aristide Briand, le ministre compétent sollicité par Mirbeau. Il finira néanmoins par accepter, en décembre 1906, mais avec la conviction de parvenir à escamoter toutes les audaces au cours des répétitions. Comme il n’en fut rien, de plus en plus épouvanté au fur et à mesure qu’approchait l’échéance, il finit par interrompre les répétitions, le 4 mars 1908, et engagea la Comédie-Française dans un procès qu’elle perdit et qui fut coûteux pour elle. C’est donc, paradoxalement, grâce à une décision de justice que Le Foyer put être représenté à la Comédie-Française, le 8 décembre 1908, contre la volonté de l’administrateur de la maison ! Mais Mirbeau n’obtint pas pour autant que Claretie se vît retirer ses fonctions par son ami Clemenceau, alors président du Conseil, en guise de punition. Il finit néanmoins par se réconcilier de nouveau avec lui en 1913, peu avant sa mort, et lui fit même accepter une pièce de son nouveau protégé, Sacha Guitry, Les Deux couverts.

Voir aussi les notices Comédie-Française, Les affaires sont les affaires et Le Foyer.

P. M.


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