Familles, amis et connaissances

Il y a 286 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Z
Terme
CLEMENCEAU, georges

CLEMENCEAU, Georges (1841-1929), célèbre homme politique et journaliste. Quoique vendéen, il était farouchement attaché à la République et a mené une très longue carrière : maire du XVIIIe arrondissement après le 4 septembre 1870, il a été député presque sans interruption à partir de 1871 (mais il a été battu dans le Var en 1893, au terme d’une campagne fort agitée, où il a été victime de la diffamation orchestrée par les nationalistes sur la base de faux documents, ce qui lui a valu la sympathie de Mirbeau). Il a siégé parmi les radicaux, à l’extrême gauche parlementaire de l’époque, et a fait tomber nombre de ministères. Ardent dreyfusard, il est directeur politique de L’Aurore pendant l’Affaire, y fait paraître le J’accuse de Zola le 13 janvier 1898, et y publie de remarquables chroniques quotidiennes, recueillies en sept volumes, dont le premier, L’Iniquité, est salué par Mirbeau. Président du Conseil en 1906, il reste au pouvoir pendant trois ans. Il nomme bien Picquart ministre de la Guerre, ce qui le situe symboliquement dans la continuité de la bataille dreyfusiste. Mais il  se révèle un homme d’ordre et se proclame le « premier flic de France » : il réprime les grèves ouvrières, infiltre les syndicats, envoie la troupe contre les vignerons du Midi. Pendant la guerre, il est jusqu’au-boutiste et on le surnomme « le Père la Victoire ». Clemenceau a publié en 1895 La Mêlée sociale, admiré par Mirbeau, en 1896 Le Grand Pan, en 1898 un roman, Les Plus forts, et en 1901 une pièce, Le Voile du bonheur, qui a consterné Mirbeau par sa médiocrité.

Ses préoccupations sociales – dont témoignent notamment ses deux très élogieux comptes rendus des Mauvais bergers, le 16 décembre 1897 et le 20 mars 1898, dans L’Aurore –, son anticléricalisme intransigeant, son dreyfusisme ardent et son admiration durable pour Claude Monet ont rapproché Clemenceau de Mirbeau, mais l’exercice du pouvoir l’en a quelque peu éloigné. C’est Gustave Geffroy, leur ami commun, qui a servi de trait d’union. En 1895, alors que Clemenceau n’est plus député et voit sa carrière politique compromise, Mirbeau se réjouit que « l’ingratitude humaine » ait eu pour effet positif de susciter un écrivain (« Clemenceau », Le Journal, 11 mars 1895) : « Car nous avions compris que cet échec apparent n’était, au fond, qu’une délivrance, qu’il aboutissait à quelque chose de beau, et que, si nous perdions un député, nous gagnions un admirable écrivain. » Tout en se réjouissant – prématurément – de voir Clemenceau « sortir de la politique active », il rappelle qu’il a été le seul, lors du massacre de Fourmies (1er mai 1891), à faire entendre à la Chambre « un cri de pitié humaine ». Puis il présente La Mêlée sociale, « œuvre maîtresse, forgée de nobles pensées et fleurie de beauté artiste », où « tout lui est prétexte à philosopher » : « Il connaît la signification des choses, et leur fatalisme dans la nature terrible et belle, la destinée des êtres, en proie au mal de l’universel massacre. Il sait de combien de morts accumulées est faite l’herbe qu’il foule, la fleur qu’il respire, de combien d’injustices, de violences et de rapts sanglants, la douleur humaine, dont il compte le martyrologe, qui ne cessera, hélas ! qu’avec l’univers. [...] C’est à la Vie seule qu’il s’en prend. Il l’interroge partout où il la rencontre et il la rencontre partout, dans la rue, parmi les foules, dans les taudis du pauvre et les salons du riche. Il la suit dans les champs, dans les mines, dans les forêts lointaines, à l’atelier, au musée, à la prison, au pied de l’échafaud. »

Son compte rendu de L’Iniquité (L’Aurore, 2 février 1899), rédigé en pleine affaire Dreyfus (voir la notice) est tout aussi élogieux : « C est plus que de la polémique, c’est de l’histoire, de la forte, grande et tragique histoire. [...] Bien qu’écrit au jour le jour, selon l’accident de l’heure, et le coup de théâtre de la journée, il a, par la pensée directrice qui l’anime, par l’esprit philosophique qui en relie, l’une à l’autre, les feuilles éparses, il a une valeur d’unité, une ampleur de synthèse qui étonne, qui passionne et qu’on admire. » Après le procès de Rennes et la grâce accordée à Alfred Dreyfus (voir la notice), Mirbeau et Clemenceau n’ont pas adopté exactement la même position. Leurs relations, bien que distendues, sont néanmoins restées amicales. Lors de la bataille du Foyer (1906-1908), Mirbeau a jugé son ami bien timoré, ayant espéré en vain qu’il profite de l’occasion pour se débarrasser de Jules Claretie, l’administrateur de la Comédie-Française.

P. M.


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL