Familles, amis et connaissances

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Terme
DREYFUS, alfred

DREYFUS, Alfred (1859-1935), officier français, dont la condamnation pour trahison, fin 1894, suscitera, à partir de l’automne 1897, une grande bataille éthico-politico-judiciaire, l’Affaire Dreyfus (voir la notice). Il appartenait à une famille d’industriels alsaciens qui, après l’annexion de l’Alsace, ont choisi la France. Il s’engage par patriotisme dans une carrière militaire, à une époque où les officiers juifs sont rarissimes et où l’antisémitisme est fort répandu dans les rangs de la Grande Muette.  Entré à Polytechnique en 1878, il devient officier d'artillerie. En 1893, il est attaché à l'état-major de l'armée comme stagiaire.  En 1894, suite à la découverte, dans la corbeille à papier de l’attaché militaire allemand, d’un bordereau comportant une liste de renseignements militaires transmis à cet officier, Dreyfus est rapidement soupçonné d’être l’auteur de la “trahison”, qui est en réalité l’œuvre du commandant Walsin-Esterhazy. En tant que Juif il constitue un bouc-émissaire idéal pour le général Mercier, ministre de la Guerre aux abois et qui a besoin de se refaire une santé par un gros coup médiatique. Sur la base d’analyses – d’ailleurs contradictoires – de son écriture et de celle du bordereau, il est arrêté et incarcéré le 15 octobre 1894, puis condamné à la déportation le 22 décembre, grâce à un faux et à une accumulation de pièces supposées être à charge, rassemblées dans un dossier secret, et communiquées aux juges à l’insu de la défense : double forfaiture. Il est dégradé le 5 janvier 1895 dans la cour de l'École Militaire, puis expédié à l’île du Diable, où il passe cinq longues et épouvantables années. Son frère Mathieu tente en vain de prouver son innocence et charge Bernard Lazare de chercher des preuves et de publier un mémoire susceptible de peser en faveur de la révision. Lorsque, en novembre 1897, commence la deuxième phase de l’Affaire Dreyfus, dont le déporté, coupé du monde, ignore tout, et qu’est finalement obtenue de haute lutte, un an plus tard, la cassation du verdict de 1894, suivie de la révision de son procès, il est transféré à Rennes et jugé au mois d’août 1899. Le 9 septembre, il est de nouveau condamné « avec circonstances atténuantes », mais il est gracié par le président de la République et remis en liberté. Bien qu’il ait accepté sa grâce, ce que lui reproche notamment Picquart, il tente d’obtenir l’annulation du verdict absurde et inique de Rennes. Il finit par obtenir satisfaction grâce à Jaurès et, en juillet 1906, le deuxième jugement est cassé et Dreyfus est réhabilité sans être renvoyé devant un troisième tribunal militaire. Réintégré dans l’armée, mais sans retrouver son ancienneté, il préfère démissionner. Il reprendra cependant du service pendant la guerre et mourra en 1935.

      Pour beaucoup de dreyfusards la personne même de Dreyfus ne comptait guère et seul importait le symbole qu’il incarnait : nombreux en effet étaient ceux qui considéraient que, selon la formule de Léon Blum, ce militaire de carrière n’aurait pas été dreyfusard « s’il n’avait été Dreyfus ». « Galonnard » sans état d’âme, aux yeux des anarchistes, et riche de surcroît, il n’inspirait pas beaucoup de pitié à nombre de ceux qui ne s’en battaient pas moins pour sa libération, la plupart par souci de justice et d’humanité, d’autres avec des arrière-pensées politiques. Après sa grâce, les dreyfusards se sont divisés à son sujet : les uns estimaient qu’il n’aurait jamais dû l’accepter et qu’il eût mieux valu qu’il retournât à l’île du Diable ; d’autres – parmi lesquels Mirbeau – comprenaient fort bien qu’il était impensable, pour des raisons éthiques et humaines, de lui infliger la prolongation de son supplice. Alors que beaucoup de ses camarades de lutte n’avaient qu’une piètre estime pour l’homme Dreyfus – notamment Picquart, qui s’est comporté avec lui d’une façon odieuse –, Mirbeau s’est distingué par l’admiration qu’il lui a vouée pour sa fidélité et son courage inébranlable. Il l’a reçu chez lui avec reconnaissance, « très fier » de « connaître celui  qui symbolise, si douloureusement, nos plus chères idées de justice et de liberté » (lettre de Mirbeau à Dreyfus, 25 janvier 1902). Et, le 1er octobre 1907, écœuré par la lâcheté de Picquart devenu ministre dans le gouvernement Clemenceau, il lui écrit « pour [lui] dire toute [sa] sympathie profonde, et encore [son] indignation de la lâcheté dont on a fait preuve envers vous. Je suis content que vous ayez définitivement quitté l'armée. Mais je me reporte aux heures de lutte ; et c'est avec un sentiment de la plus amère tristesse, que je vois qu'il ne reste plus guère que des reniements, de tout ce qui avait jadis passionné nos âmes et exalté nos esprits. Vous avez montré, vous, un beau caractère, un beau désintéressement et finalement, un beau dégoût. Le contraste est saisissant et fait que les rares restés fidèles à eux-mêmes vous aiment plus encore. »

P. M.

           

            Bibliographie : Philippe Oriol, « Trois lettres inédites de Mirbeau à Alfred Dreyfus », Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, 1998, pp. 175-179.


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