Familles, amis et connaissances

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Terme
DELONCLE, louis

DELONCLE, Louis (1854 ?-1898), officier de marine. Fils d’un ancien compagnon de Gambetta devenu préfet d’Oran et secrétaire général de la mairie de Lyon, il était frère de François Deloncle, le commanditaire des Lettres de l’Inde de 1885. En 1891, alors qu’il était lieutenant de vaisseau, il a publié, chez Challamel, un  Manuel du manœuvrier, à l'usage des élèves de l'École navale et de l'École d'application, en trois volumes, qui a été plusieurs fois réédité. Travaillant pour la Compagnie Générale Transatlantique, il a notamment commandé le Normandie et le Bourgogne. Il a trouvé la mort en mer, le 4 juillet 1898, « victime de son devoir »,  pour n’avoir pas quitté son poste, lors du naufrage du Bourgogne, au large de Terre-Neuve, heurté, en plein brouillard, par un voilier anglais, Le Cromartyshire, qui faisait voile vers Philadelphie. Les canots de sauvetage ont alors été détruits sous la violence du choc, et le navire a coulé en moins d’une heure après la collision ; seuls 165 rescapés ont pu être recueillis par le voilier, qui sera ensuite remorqué, jusqu’au port d’Halifax. Il écrivait aussi des poèmes, qui ont été publiés après sa mort, en 1900, avec une préface d’Armand Silvestre : Poésies posthumes d’un marin. Rives et rêves.

Mirbeau a fait la connaissance de Louis Deloncle lors d’une traversée qu’il a effectuée à bord du Normandie, début octobre 1896, en compagnie de Claude Monet, du Havre à Cherbourg, à l’occasion de la visite en France du tsar Nicolas II, qui devait débarquer dans le port du Cotentin le 5 octobre. Il a alors vivement apprécié la culture, l’humanité et le sang-froid du commandant, qui, devenu son ami, lui a envoyé peu après quelques poèmes, que Mirbeau jugera « d’une sensation vibrante, d’une forme curieuse, d’une couleur parfois extraordinaire », notamment celui, « véritablement tragique et superbe, où il évoque, avec une rare puissance d’expression, toute la terreur du brouillard – précisément ce brouillard qui devait le tuer ». En décembre 1897, entre deux traversées, Deloncle a écrit à l’écrivain qu’il avait rédigé, pour un journal cubain indépendantiste de La Havane, un portrait de lui, à quelques jours de la première des Mauvais bergers, à laquelle il ne pourrait assister. De mémoire, il lui en cite « quelques bribes » : « Ah ! les ventres, comme il les crève, les crânes, comme il les fouaille, les apparences solennelles, comme il les vide ! » Quelques jours après le naufrage, Mirbeau a rendu un bel et émouvant hommage à son ami, « qui vient de mourir si héroïquement, victime de son devoir », dans une chronique du Journal : « C’était un homme excellent, un caractère fortement trempé, un esprit d’élite, un cœur exquis. Il ne m’avait pas fallu beaucoup de temps pour voir combien il était adoré de son équipage. C’est que, en toutes circonstances, il se montrait juste et humain, qu’il inspirait à tous une confiance aveugle, et qu’il savait, par de la bonté, corriger ce que la discipline, si souvent mal comprise et plus mal appliquée, a d’excessif, aujourd’hui, et de trop cruel pour de pauvres diables dont la vie est un danger perpétuel, et une perpétuelle menace de mort. La discipline militaire n’avait nullement affaibli, en lui, le sentiment de la personnalité humaine. Sous l’uniforme, sa pensée restait libre et grande, révolutionnaire même, au sens purement moral et philosophique du mot, au sens artiste, aussi, car elle frémissait à tout ce qui est beau. J’ai rencontré, dans la vie, peu d’hommes, même parmi les plus illustres, dont la conversation fût aussi nourrie, substantielle, et en même temps originale et gaie. Sciences, arts, littératures, il s’intéressait passionnément, enthousiastement, à ce qui élève l’esprit, l’embellit en le vivifiant. Il devait beaucoup à ses lectures, qui furent celles d’un homme très cultivé, très érudit, même ; il devait plus encore à la nature, en qui il sut lire, voir et comprendre des  choses merveilleuses. »

P. M.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « Louis Deloncle », Le Journal, 10 juillet 1898.


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