Familles, amis et connaissances

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Terme
GRAVE, jean

GRAVE, Jean (1854-1939), cordonnier autodidacte, est un théoricien et un activiste anarchiste. Avec de bien maigres moyens, il s’est lancé dans une généreuse tentative pour aider les travailleurs à « s'affranchir intellectuellement » afin de devenir « aptes à s'affranchir matériellement » : il a fondé à cette fin un hebdomadaire libertaire, La Révolte (1887-1894), dont il a été le directeur, et auquel a succédé Les Temps nouveaux (1895-1914). Soucieux d’ouvrir et de cultiver l’esprit de ses lecteurs, il a ajouté à La Révolte un supplément littéraire où il reproduisait des textes d’auteurs, le plus souvent non anarchistes eux-mêmes, qui acceptaient d’abandonner leurs droits, à l’instar de Mirbeau (mais Zola, lui, a refusé, et la Société des Gens de Lettres a engagé une action contre Grave). Il est l’auteur de La Société mourante et l’anarchie (1893), préfacé par Mirbeau, de La Société future (1895), écrit en prison, de L’Individu et la société (1897), et de deux romans : La Grande famille (1896) et Les Aventures de Nono (1900). Plusieurs fois condamné et incarcéré pour délits de presse, il a été acquitté lors du Procès des Trente, en août 1894. Ses souvenirs ont été publiés sous deux titres différents : Le Mouvement libertaire sous la IIIe République, en 1930, et Quarante ans de propagande anarchiste, en 1973.

            Aspirant à donner de l’anarchisme une image moins rebutante et plus culturelle, Grave ne pouvait que s’intéresser à un écrivain aussi visiblement révolté et subversif que Mirbeau, dont nombre de textes, chroniques et extraits de romans, ont été publiés dans le supplément littéraire de La Révolte. Aussi est-ce tout naturellement vers lui qu’il se tourne, par l’intermédiaire de Camille Pissarro, quand il est confronté à la Société des Gens de Lettres présidée par Zola ; lorsqu'il est en quête d'un éditeur et d'un préfacier pour La Société mourante et l'anarchie ; lorsqu'il souhaite faire connaître au grand public les horreurs du Dépôt, par lequel il a transité, en avril 1892 ; lorsqu'il est emprisonné, en janvier 1894, à l'occasion de la réédition de La Société mourante, puis impliqué dans le Procès des Trente ; et encore lorsqu'en avril 1895 il se prépare à lancer Les Temps nouveaux. Mirbeau lui apporte volontiers son aide, qui se révèle très efficace :

- Par son intervention dans la grande presse, en août 1891, il contribue au report sine die du procès intenté par la Société des Gens de Lettres (voir « À propos de la Société des Gens de Lettres », , et « Encore la Société des Gens de Lettres »).

- Par sa préface pédagogique , il aide puissamment à la diffusion de La Société mourante et l’anarchie.

- En février 1894, il met en lumière les aberrations des poursuites engagées contre Grave (voir « Pour Jean Grave »), puis témoigne en sa faveur, contribuant ainsi à son acquittement lors du Procès des Trente.

- À en croire les rapports de police, c'est Mirbeau qui soutient de ses phynances Les Temps nouveaux, leur épargnant ainsi la noyade à laquelle semblait les condamner un déficit permanent.

Pour autant les relations, nouées tardivement, entre l'illustre écrivain et l'ancien cordonnier ne sont pas toujours au beau fixe, à une période où Mirbeau est souvent dépressif et traverse une très grave crise. Ainsi un inexplicable rendez-vous manqué, dont Mirbeau ne s’est pas excusé, a-t-il laissé Grave amer et perplexe. À en juger par leur correspondance (publiée en 1994), il semble que, nonobstant leur commun idéal libertaire, leurs relations reposent sur un certain malentendu : l’un est avant tout un artiste doté d'une curiosité universelle, ouvert à toutes les angoisses existentielles et à toutes les beautés créées par le génie humain, sans jamais s'astreindre à aucune discipline partisane ni à aucune autocensure ; l’autre est avant tout un militant quelque peu enfermé dans des certitudes dogmatiques, et de surcroît obnubilé, de par la force des choses, par les tâches quotidiennes,  les soucis matériels et les préoccupations politiques immédiates.

P. M.

 

            Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Jean Grave », préface de la Correspondance Mirbeau – Grave, Au fourneau, 1994, pp. 7-14.

 

 


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