Familles, amis et connaissances

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Terme
HUGO, victor

HUGO, Victor (1802-1885), le plus célèbre, le plus divers et le plus prolifique écrivain du XIXe siècle, est le représentant le plus prestigieux du romantisme français, et sa renommée s’est étendue au monde entier. Il a été tout à la fois poète lyrique (Les Feuilles d’automne, 1831, Les Contemplations, 1856), poète épique (La Légende des siècles, 1859-1877-1883), poète satirique (Les Châtiments, 1853, virulent pamphlet contre Napoléon III), poète philosophique (Dieu, La Fin de Satan), romancier (Han d’Islande,1823, Notre-Dame de Paris, 1831, Les Misérables, 1862, Les Travailleurs de la mer, 1866, L’Homme qui rit, 1869, Quatre-vingt-treize, 1874) et auteur dramatique (Cromwell, 1827, Hernani, 1830, Marion de Lorme, 1831, Le roi s’amuse, 1832, Marie Tudor, 1833, Lucrèce Borgia, 1833, Angelo, 1835, Ruy Blas, 1838, Les Burgraves, 1843…). Il a aussi été le théoricien du drame romantique (préface de Cromwell), et également l’incarnation du poète engagé dans les affaires de la cité, qui n’a pas transigé avec sa conscience (il a vécu dix-neuf ans en exil, après le coup d’État du 2 décembre 1851) et qui a mis sa plume, son imagination, son prestige et son style incomparable au service des démunis, des humbles et des sans-voix.

Mirbeau, qui possédait les Œuvres complètes de Victor Hugo en vingt-six volumes (1890-1914), admirait la puissance visionnaire du poète, « visionnaire sublime », « l’intensité de son intuition impitoyable et mystérieuse » de prophète (« Il est dans le passé, il est dans l’avenir qu’il éclaire de lueurs prophétique ») et il a rendu hommage au citoyen, au farouche républicain et à ses combats contre la peine de mort et pour les misérables et les souffrants de ce monde : « Le grand poète a été la Bonté. Il a aimé l’humanité, comme le Christ l’aima, d’un amour infini. Élargissant les bornes ensanglantées des patries, prêchant la communion des peuples, l’oubli des races, la fin des conquêtes, il a pleuré sur les misères, il a pansé les plaies, essuyé les larmes ; il a relevé tous les vaincus, consolé tous les captifs, vengé toutes les injustices. Il a tenté d’arracher l’homme aux proies des trônes effarés, aux échafauds des sociétés peureuses, et sa voix retentissante, faite de tendresse et de pitié pour les misérables, de colères et de supplications hautaines pour les puissants, a dominé, chaque fois que l’homme était menacé, le tumulte des intérêts oppresseurs et des lois homicides ». Dans son article nécrologique, il en concluait que son œuvre serait « doublement immortelle par le génie de l’artiste, et la bonté de l’homme » (« Victor Hugo », La France, 24 mai 1885).

Mais si l’engagement éthique su grand poète constituait un exemple à suivre, Mirbeau n’était pas acritique pour autant. Il s’est même montré franchement réticent devant la rhétorique hugolienne, véritable machine à faire des vers et des formules qui sonnent souvent le creux. Dans une plaisante parodie, parue en 1878 dans les colonnes d’une feuille de chou provinciale, L’Ariégeois, il a ainsi poussé jusqu’à l’absurde, en les exagérant, les procédés rhétoriques mis en œuvre par le poète : les antithèses forcées, les rapprochements inattendus, les structures binaires et ternaires, les hyperboles, les invocations, les raccourcis audacieux, les mots forts et creux, les phrases nominales simplement juxtaposées, le tout au service d’un moi singulièrement atteint de mégalomanie (voir Chroniques ariégeoises, pp. 50-51). Trois décennies plus tard, dans La 628-E8 (1907), évoquant « les vieux quartiers puants des vieilles villes », conservés soigneusement au nom de la poésie qui nous imprègne, il jugera plaisamment Victor Hugo, incarnation de la poésie, responsable de ce refus du progrès et de cette complaisance à entretenir un passé porteur de miasmes morbides : « Ah ! Je me demande souvent, malgré toute mon admiration pour la splendeur de son verbe, si Victor Hugo ne fut point un grand Crime social. N’est-il pas, à lui seul, toute la poésie ? N’a-t-il pas gravé tous nos préjugés, toutes nos routines, toutes nos superstitions, toutes nos erreurs, toutes nos sottises, dans le marbre indestructible de ses vers ? ». Sa figure de monument national intangible et de gloire de cette République bourgeoise que l’anarchiste Mirbeau honnit ne manque pas d’irriter le critique, car il y voit le danger de participer volens nolens à l’aliénation générale et à l’établissement d’un nouveau conformisme, ce qui l’incite à porter des appréciations critiques provocatrices, trop brutales pour ne pas être suspectes de partis-pris.

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Victor Hugo vu par Octave Mirbeau », in Actes du colloque Victor Hugo de Belgrade, Revue de philologie de l’université de Belgrade, 2002, n° 2, pp. 37-45 ; Octave Mirbeau, « Victor Hugo », La France, 24 mai 1885 ; Vincenzo Ruggiero, « Victor Hugo and Octave Mirbeau – A sociological analysis of imprisonment in fiction », Cahiers de défense sociale, 2003, pp. 245-263.


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