Familles, amis et connaissances

Il y a 286 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Z
Terme
KAFKA, franz

KAFKA, Franz (1883-1924), écrivain tchèque de langue allemande, qui a passé toute sa vie à Prague, alors situé en Autriche-Hongrie. Issu d’une famille juive, il a eu des relations difficiles avec son père et, par la suite, avec les femmes. À partir de 1907, jusqu’en 1922, il a travaillé avec beaucoup de sérieux comme employé dans une compagne d’assurances, mais, atteint de tuberculose, il a dû démissionner pour se soigner en sanatorium et il est mort à quarante ans. De son vivant, il n’a publié que de rares récits, notamment La Métamorphose (Die Verwandlung, 1915) et La Colonie pénitentiaire (In der Strafkolonie, 1919). La plupart de ses œuvres ont été publiées après sa mort par son ami et exécuteur testamentaire Max Brod, qui ne les a pas brûlées, contrairement aux dernières volontés de Kafka : Le Procès (Der Prozeß, 1925), Le Château (Das Schloß, 1926), inachevé, L’Amérique (Amerika), également inachevé, et Le Terrier (Der Bau). Ses œuvres ont donné lieu à de multiples commentaires, les uns insistant sur leur portée métaphysique, d’autres sur leur portée sociale, les uns sur la vision tragique de l’homme et d’autres sur l’humour noir et la cocasserie, qui, paraît-il, faisaient rire Kafka aux éclats quand il lisait ses propres textes à des amis. Ce qui est le plus souvent mis en lumière, c’est l’absurde, pré-existentialiste, de la condition humaine, et la critique de l’État bureaucratique, tentaculaire et aberrant, où l’on a souvent perçu comme une préfiguration des totalitarismes du vingtième siècle.

Nous savons que Kafka a lu Mirbeau, du moins des volumes traduits en allemand  et qui figuraient dans sa bibliothèque, tels que Le Jardin des supplices (Der Garten der Qualen) et un recueil de six contes, non recueillis en volume en France, et qui a paru à Vienne en 1903, sous le titre Laster und andere Geschichten. Plusieurs commentateurs (Burns, Gruhn, Ivanovic et Muzzi, notamment) ont bien noté l’influence certaine exercée par les descriptions du bagne chinois, par Mirbeau, sur La Colonie pénitentiaire de Kafka, deux évocations d’un monde où l’innocence n’est pas reconnue, et ont en particulier rapproché les personnages de l’officier kafkaïen et du bourreau mirbellien. Mais un autre rapprochement devrait également s’imposer : « La Vache tachetée », conte écrit pendant l’affaire Dreyfus (voir la notice), et qui met en lumière la radicale absurdité de la si mal nommée “Justice” en présentant le cas absurde et tragique d’un innocent condamné à mort parce qu’on l’accuse de posséder une vache tachetée qu’il ne possède même pas, semble bien être une anticipation du Procès. Reste à déterminer si Kafka a pu en lire une traduction dans un journal de langue allemande, ou bien le lire en français lors de sa publication dans Le Journal en novembre 1898, ou à l’occasion d’une reprise dans une revue. Il est aussi à noter que, dans le recueil Laster und andere Geschichten, on trouve également deux contes qui ont à coup sûr pu être lus par Kafka et qui étaient susceptibles de le marquer : « Tatou » et « En attendant l’omnibus ».

Il est sûr que les deux écrivains ont en commun une vision à la fois tragique et distanciée de l’homme et de la société, le refus libertaire de la domination étatique et de toutes les formes d’aliénation et le goût d’une littérature qui, tout en étant ancrée dans le réel, refuse le réalisme et, à la frontière du fantastique, du mythe et de la fable, tâche d’obliger le lecteur à regarder Méduse en face et à s’interroger.  Mais l’étude de l’influence effective de Mirbeau sur Kafka reste à faire.

  P. M.

 

Bibliographie : Wayne Burns, « In the penal colony : variations on a theme by Octave Mirbeau », Accent, Urbana, n° 17, 1957, pp. 45-51 ; Dorit Heike Gruhn, Untergang der Folterkultur als konservative Kulturkritik ? Ein Vergleich zwischen der Bedeutung von Franz Kafkas Figur des Offiziers “In der Strafkolonie” und Octave Mirbeaus chinesischem Folterer in “Der Garten der Qualen” als Quelle für Kafka, Hagen, 1999, 36 pages ; Claude Herzfeld, « Mirbeau, Kafka et la domination », Cahiers Octave Mirbeau, n° 12, 2005, pp. 247-271 ; Christine Ivanovic, « Vergleich der Gewahltdarstellungen in Octave Mirbeaus Der Garten der Qualen (1899) und in Franz Kafkas In der Strafkolonie (1919) », site Internet d’Anna-Vision, 2002, 18 pages ; Alain Montandon, « Anthropologie et douleur. Mirbeau et Kafka », in M. Schmitz-Emans & Ch. Winterhalter (éd.), Komparatistik als Humanwissenschaft, Königshausen & Neumann, Würzburg, 2008 ; Nino Muzzi, «  Una fonte trascurata », The Kafka project, novembre 2004.

 


Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL