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Terme
PUVIS DE CHAVANNES, pierre

PUVIS DE CHAVANNES, Pierre (1824-1898), célèbre peintre français. Aujourd’hui on le taxe volontiers d’académisme, mais il était, de son vivant, vivement attaqué par les académistes et paradoxalement défendu à la fois par les impressionnistes et les symbolistes. Il doit son prestige à de grandes fresques idéalistes, classiques et intemporelles (Le Bois sacre, 1884, Doux pays, Ludus po patria, fresques du Panthéon consacrées à sainte Geneviève). Son Espérance, qui présentait une adolescente nue dans un paysage désertique, a fait scandale au Salon de 1872, mais a été fort admiré par Mirbeau. Sa plus belle toile est Pauvre pêcheur (1881, musée d’Orsay). À l’initiative d’un comité d’admirateurs, a été organisé en son honneur un grand banquet, le 16 janvier 1895, à l’hôtel Continental, sous la présidence d’Auguste Rodin, en présence de près de six cents personnes, dont Mirbeau, Monet, Carrière, Raffaëlli, Rops, Gauguin, Zola, Mallarmé, Mendès, Rodenbach, Montesquiou, Brunetière, Poincaré, Leygues, Clemenceau, etc. Le comité d’organisation était volontairement très large, afin de permettre de réaliser un consensus jugé souhaitable par tous.

On a souvent du mal, aujourd’hui, à comprendre que Mirbeau, le chantre de Monet et de Van Gogh, ait manifesté si longtemps une vive admiration pour Puvis de Chavannes, en qui il voyait un artiste synthétique et amoureux de la nature et qu’il qualifiait curieusement de « peintre de la vie ». Dans ses premiers Salons, parus sous pseudonyme, il le considère, avec Corot et Manet, comme un des trois maîtres les plus originaux de la peinture française, « le seul à qui la grande peinture soit permise », parce qu'il a « une individualité artistique d'une rare élévation » et « un style magistral » (« Le Salon IV », L’Ordre de Paris, 9 mai 1874).  Il lui a par la suite consacré trois articles signés de son nom : le 8 novembre 1884, dans La France, il le loue d’avoir « ramené la peinture à des hauteurs idéales » et « de n’être d’aucun temps, d’aucune école et d’aucune routine ; le 26 juin 1897, dans Le Gaulois , il le classe parmi les « artistes de génie », voit dans sa personnalité « une des plus fortes, des plus complètes, des plus logiques de ce temps » et juge que « ses compositions atteignent à la pure beauté » ; et, le 13 novembre 1898, dans Le Journal, il le classe encore « presque » au niveau de « ses maîtres », Lippi, Botticelli et Raphaël, et, parmi ses contemporains, « sur les mêmes sommets » que Degas, Carrière, Renoir et Monet, tout en pronostiquant que ces derniers seront sans doute loués dans « un avenir prochain » d’avoir « apporté une plus grande somme de beautés au trésor de l’art universel ».

En février 1894, Mirbeau a proposé a son grand aîné la présidence du comité d’organisation de la vente en faveur de la veuve du père Tanguy (voir la notice), ce que Puvis a accepté aussitôt. Quelques mois plus tard, il a fait partie du comité d’organisation du fameux banquet, mais, n’étant pas jugé assez consensuel, à un moment où Puvis semblait faire l’unanimité par-delà les querelles d’écoles, il n’y a pas pris la parole, comme il l’explique à Rodin : « Je ne me sentais pas l’autorité nécessaire, par ma situation ou mon talent, à ce rôle. Il eût été bon, pourtant, qu’une voix revendiquât Puvis de Chavannes au-dessus des Instituts, dont, par une malchance fâcheuse, ce banquet va être la fête. Ironie des choses ! » Dans son article nécrologique « L’Envers de la mort » (Le Journal, 13 novembre 1898), il regrettera publiquement la tentative de récupération de Puvis par les symbolistes et les académistes, qui le louaient d’avoir ressuscité l’idéalisme et le spiritualisme en peinture : « À son insu, peut-être, il fut le centre de ralliement de bien des ambitions, de bien des intrigues, de bien des petits commerces. Et ceux-là même qui, publiquement et avec le plus d’exaltation, confessèrent l’admiration apostolique de son œuvre, sont peut-être ceux qui, dans le fond de leur âme, la nièrent le plus. [...] On s’est servi de lui, du prestige de son nom, de sa grande pureté de vie, de son grand désintéressement, de sa grande fierté d’artiste, plus encore qu’on ne l’a servi. Il a été l’étiquette, le prospectus de combinaisons commerciales, plus qu’il n’a été la bannière d’une foi. » Par la suite Mirbeau évoluera et jugera Puvis trop froid et surestimé et, en 1907, interviewé par Paul Gsell, il jugera même son œuvre « vide et morte ». En fait, il avait commencé à tempérer son admiration une quinzaine d’années plus tôt, écrivant, par exemple, à Remy de Gourmont, le 1er avril 1892, à propos du peintre symboliste Séon, qu’il n’est qu’« un Puvis de Chavannes sans aucune de ses grandes qualités, avec tous ses défauts, et cet arrière-goût pompier, dont le peintre de L’Été n’a pu, jamais, se débarrasser complètement ». 

P. M.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, Combats esthétiques, Séguier, 1993, t. I, pp. 72-75 et 257-259, et t II, pp. 196-200 et 222-226.

 


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