Familles, amis et connaissances

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Terme
REINACH, joseph

REINACH, Joseph (1856-1921), politicien opportuniste et premier historien de l’affaire Dreyfus. Très riche – il était le gendre du baron de Reinach, opportunément “suicidé” en décembre 1892, au moment où a éclaté le scandale de Panama –, il a été le chef de cabiner de Gambetta et le rédacteur en chef de La République française gambettiste. Il a été élu député des Basses-Alpes en 1889, mais battu comme dreyfusard en mai 1898. Reinach a été l’un des tout premiers hommes politiques à s’engager à fond pour Dreyfus, et sa participation à la campagne révisionniste et sa judéité lui ont valu le triste honneur d’être une cible privilégiée des antisémites. Outre la monumentale Histoire de l’affaire Dreyfus, en sept volumes, qui a commencé à paraître en 1901, il a publié  aussi La France et l’Italie devant l’histoire (1892) et des études sur Diderot et sur L’Éloquence française (1894).

Reinach a été longtemps vilipendé par Mirbeau en tant qu’héritier de Gambetta et que membre de cette « bande d’escarpes » que, dans ses Grimaces de 1883, il accusait d’avoir fait main basse sur la France et de crocheter les caisses de l’État. En 1896, il l’a de nouveau mis en cause dans la désastreuse expédition de Madagascar (voir « Paysage parlementaire », Le Journal, 11 novembre 1896). En septembre 1897, quelques semaines à peine avant que ne commence la grande bataille dreyfusiste, dans une interview imaginaire du Journal, « Moïse et Loyola », il lui fait dire qu’il aspire à devenir Grand Inquisiteur de France et évoque ses « manies organisatrices et légiférantes » et son « jacobinisme violemment persécuteur qui n’admet ni scrupules politiques, ni pitiés humaines ».

Mais l’Affaire ne va pas tarder à faire tomber ses préventions et à le rapprocher d’un homme qu’il découvre avec étonnement et qu’il se met à aimer avec autant de ferveur qu’il l’a naguère détesté. Dans « Palinodies » (L’Aurore, 15 novembre 1898), il fait publiquement son mea culpa en tenant à « apporter à un homme que j’ai méconnu et que j’ai beaucoup attaqué, un témoignage public de mon affection et de mon admiration ». Et il ajoute : « À mesure que je le connaissais et que je l’aimais, chaque jour, davantage, j’aurais bien voulu effacer de mon œuvre – si éphémère, si vite oubliée soit-elle – certaines pages méchantes, avec le remords de les avoir écrites ». Il faut dire que Reinach a fait preuve d’un désintéressement et d’une générosité exceptionnels, fin août 1898, en remettant à Mirbeau, de la main à la main et sans reçu, les 40 000 francs, somme énorme, nécessaires pour payer l’amende, grossie des frais de procès, à laquelle Émile Zola a été condamné pour une prétendue diffamation des trois pseudo-experts graphologues aux « noms de canailles balzaciennes ». Lorsque le camp des dreyfusards va se diviser, après la grâce accordée à Dreyfus et la loi d’amnistie, Mirbeau se range aux côtés de Reinach – et de Dreyfus – contre Picquart et Labori. Il recourt de nouveau à la serviabilité de son puissant ami, en 1901, pour venir financièrement en aide à Laurent Tailhade, condamné pour appel au tsaricide, puis, paradoxalement, pour faire réintégrer dans l’armée le général Geslin de Bourgogne, son ancien condisciple du collège de Vannes, viré pour déclarations antidreyfusardes intempestives lors d’un banquet d’anciens élèves du collège.

            Les lettres de Mirbeau à Reinach sont recueillies dans le tome III de sa Correspondance générale.

P. M.


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