Familles, amis et connaissances

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Terme
SAINT-CERE, jacques

SAINT-CÈRE, Jacques (1855-1898), pseudonyme de Armand Rosenthal, était un aventurier et un petit escroc d'origine allemande, mais qui a opté pour la nationalité française. En exil en Allemagne, en attendant la prescription de condamnations pour grivèlerie, il dirigé avec Sacher-Masoch la revue Auf der Höhe, puis devient l'amant de Wanda von Dunajew, la propre épouse de Sacher-Masoch, et s’en sépare en 1888, après avoir fait venir en France le mari de sa compagne l’année précédente... Ayant réussi à se faire passer pour un éminent germaniste (il publie en 1886 L'Allemagne telle qu'elle est), il s’introduit au Figaro et y obtient la prestigieuse rubrique de politique étrangère. Il touche alors  des sommes énormes, qu’il gaspille en dépenses somptuaires. Début 1896 un scandale révèle qu'il n'était qu'un maître chanteur : il est incarcéré le 9 janvier pour avoir fait chanter le richissime « petit sucrier » Max Lebaudy (mort à vingt-deux ans, le 24 décembre 1895, à l'hôpital militaire d'Amélie-les-Bains). Il est néanmoins libéré quelques mois plus tard, bénéficiant d’un non-lieu, faute de preuves, mais sa santé en est fort détériorée, et il meurt prématurément le 29 mai 1898.

Au cours de cette affaire, Mirbeau s’est curieusement intéressé à lui et a pris sa défense contre la lâcheté générale, tous les anciens amis de Saint-Cère se défilant les uns après les autres, et contre ce qu’il considérait comme un lynchage médiatique, où l’antisémitisme tenait sa partie. Du coup le maître-chanteur devient à ses yeux une victime à défendre contre les charognards, au même titre que le millionnaire Max Lebaudy quinze jours plus tôt (voir « Pitié militaire », Le Journal, 29 décembre 1895). Mirbeau s'en prend violemment à la presse immonde, dont le « hideux spectacle » le révulse et lui « soulève le cœur de dégoût », dans un article au titre-choc, « La Police et la presse » (Le Gaulois, 15 janvier 1896) : « Il n'est pas de jour où la presse ne dénonce quelqu'un. Et aussitôt elle instruit son procès, juge et condamne. [...] Abandonnant sa mission, reniant son caractère, qui est de défendre les droits de la liberté humaine contre les abus de l'autorité, elle se fait l'instrument des plus basses délations, et, ce qui est pire, le réceptacle des insinuations les plus perfides. Sans contrôle, sans raisons, pour le plaisir, elle déshonore. Elle transforme en infamies les actes les plus permis, elle embrouille inextricablement les affaires les plus simples. Et si par hasard quelques uns des accusés prouvent à la Justice qu'elle s'est trompée, la tare que leur aura faite le journal n'en demeurerait pas moins, sur eux, éternellement [...]. Sous prétexte d'information, la presse est devenue quelque chose comme la succursale de la préfecture de police et l'antichambre du cabinet du juge d'instruction. » Mais Mirbeau ne se contente pas de mettre sa plume au service du réprouvé : sollicité par Saint-Cère, il intervient avec efficacité pour lui permettre de reprendre place au Gaulois et de s’introduire au Cri de Paris des frères Natanson. Dès le 7 février, Saint-Cère le remercie avec effusion pour sa solidarité : « Vous êtes le seul qui ayez eu le cœur de vous souvenir du camarade disparu –cela ne m'étonne pas de votre part. » 

P. M.

 

            Bibliographie : Pierre Michel, « Mirbeau, Jacques Saint-Cère et l’affaire Lebaudy », Cahiers Octave Mirbeau, n° 3, mai 1996, pp. 197-212.


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