Familles, amis et connaissances

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Terme
VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Auguste

VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, Jean-Marie Mathias Philippe Auguste, comte de (1838-1889), écrivain d’origine bretonne, connu au sein du groupe des jeunes symbolistes pour sa philosophie hégélienne et sa personnalité hors du commun, capable d’envoûter l’auditoire par ses « contes parlés ». C’est vers la fin de sa vie que Mirbeau s’intéresse à l’auteur d’Axël , grâce surtout à l’amitié et à l’admiration singulière de Stéphane Mallarmé. Une année après la mort de Villiers, à propos de sa tournée de conférences en Belgique, Mirbeau reconnaît, non sans regret, sa gloire posthume et son génie : « Que dirait l’ombre de Villiers, que nous avons laissé mourir de faim, et qui put entrevoir, aux dernières années de sa vie, en cette vaine Belgique, où l’on entoura de respect sa douloureuse pauvreté, ce qu’aurait été la gloire due à son exceptionnel génie, par nous méconnu ou nié » (« Propos belges », Le Figaro, 26 septembre 1890). La bibliothèque de Mirbeau contenait les meilleures œuvres de Villiers : ses contes (Contes cruels, 1883, Tribulat Bonhomet, 1887, Nouveaux contes cruels, 1888, Histoires souveraines, 1899) ; ses pièces de théâtre (La Révolte, 1870, Le Nouveau Monde, 1880, Axël, 1890) ; et son roman L’Ève future (1886).

Ce qui les rapproche est cette haine féroce du bourgeois, qui a suscité chez Villiers une stratégie de la cruauté à la manière d’Edgar Poe, soutenue par une vision pessimiste du monde et de la société contemporaine, un anti-positivisme forcené qui contestait à la science de l’époque ses certitudes. Un certain enthousiasme problématique pour l’art littéraire, qui ne trouve pas une récompense immédiate, un travail ingrat mené contre la presse bourgeoise à bon marché, devaient les unir, d’où l’intérêt de Mirbeau pour l’artiste qui vit aux marges de la société ou qui en est banni.

En politique les opinions de Mirbeau ne devaient pas être éloignées de celles de l’auteur du conte L’Etna chez soi. Villiers est passé la réaction à la révolte, et il a sympathisé avec les écrivains anarchistes de l’époque, dont le but essentiel était d’avertir, de dénoncer et de faire réfléchir. La parenté thématique sur la cruauté des contes des deux écrivains est indéniable : la monstruosité ne se trouve pas seulement dans le crime, mais aussi dans l’amour voué à la femme, qui réveille chez l’homme des instincts meurtriers, des forces destructrices et autodestructrices.  L’incompréhension entre la femme et l’artiste est souvent, chez eux, le signe de l’aliénation qui bascule vers le sadisme, le suicide ou la folie. Mirbeau recourt difficilement au conte fantastique pour convaincre le lecteur de la présence du mystère dans le monde réel, mais les visions cauchemardesques et les obsessions criminelles qui subjuguent les personnages mirbelliens et envahissent ses contes témoignent des hantises d’un moi douloureusement partagé entre le rationnel et l’irrationnel.

Le personnage du bourreau, comme celui du tortionnaire, souvent évoqués dans les contes cruels de Villiers (notamment Le Convive des dernières fêtes), devait forcer Mirbeau a en faire l’un des protagonistes sanguinaires de son Jardin des supplices (1899) ; la présence du sang produit non seulement  la vision d’une  société meurtrière et maniaque, mais aussi une hantise de mort, de souffrance et de folie sanguinaire. Une dernière obsession qui réunit les deux cruautés des contes  est l’image de la tête coupée : que l’on compare les images sanglantes du Secret de l’échafaud avec La Tête coupée du conte mirbellien pour se rendre conte des divergences fondamentales entre la vision transcendante de la vie de l’auteur breton avec la folie spectaculaire et forcenée dont se nourrit en général le conte mirbellien. Le déchaînement de la violence devient plus évident et parfois même plus gratuit chez Mirbeau (La Chambre close), qui saisit la bonne occasion pour faire réfléchir le lecteur sur les injustices sociales commises par la classe dominante, Villiers au contraire ne considère pas la mort comme un effet naturel insignifiant, mais comme une limite à la puissance humaine, une présence invisible qui nous menace et nous avertit du mystère du monde et des forces occultes (L’Annonciateur). Pour faire surgir le monde de l’au-delà, Villiers a inventé des personnages mélancoliques, des paysages et des ambiances sombres (Intersigne) ; la foi dans une autre vie pour Villiers était un choix, elle ressemblait néanmoins à une torture, à une grâce accordée à quelques élus ; sur ce terrain, Mirbeau faisait confiance à la science, passant d’un scepticisme à un vrai athéisme matérialiste.



F. C.

 

Bibliographie : Fernando Cipriani, « Metafore della mostruosità in Villiers e Mirbeau », in Villiers de l’Isle-Adam e la cultura del suo tempo. Il poeta, la donna e lo scienziato. ESI, Napoli, 2004, pp. 197-217 ; Fernando Cipriani, « Cruauté, monstruosité et folie dans les contes de Mirbeau et de Villiers », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17, 2010, pp. 88-108.

 

 


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