Familles, amis et connaissances

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Terme
WERTH, léon

WERTH, Léon (1878-1955), journaliste, critique d’art et romancier engagé. Il a collaboré au Gil Blas, à Paris-Journal et aux Cahiers d’aujourd’hui. Ami et admirateur de Mirbeau, il a rédigé, sur ses directives, les derniers chapitres de Dingo (1913). La même année, La Maison blanche, roman autobiographique préfacé et promu par Mirbeau, est à deux doigts d’obtenir le prix Goncourt. Il est mobilisé et blessé pendant la première guerre mondiale. Il  publie ensuite des ouvrages rigoureusement antimilitaristes et anticolonialistes (voir Cochinchine, 1925). Soucieux de préserver son indépendance, il s’est opposé, non seulement au fascisme, mais aussi au stalinisme. Parmi ses œuvres, citons Clavel soldat et Clavel chez les majors (1919), remarquables et mirbelliennes démystification de la guerre, de la mentalité du troufion moyen et des médecins militaires,  Le Monde et la ville (1922), ainsi qu’une étude sur Pierre Bonnard (1923). On a publié en 1992 son Journal de guerre. Saint-Exupéry lui a dédié Le Petit prince.

            Léon Werth apparaît, non comme un disciple de Mirbeau – ce mot leur eût certainement fait horreur à tous deux –, mais comme son héritier, son successeur, voire son fils spirituel. Comme son aîné, il est un intellectuel libertaire, engagé avec fougue et véhémence dans les affaires de la cité, mais tout aussi politiquement incorrect, parce qu’il a toujours soigneusement préservé son esprit critique et sa liberté de parole, au risque de s’attirer bien des rancunes, jusque dans son propre camp. Comme Mirbeau, il est un réfractaire, un insoumis, anticlérical, antireligieux, antimilitariste, antipatriote, anti-parlementaire, anti-bourgeois, anticolonialiste, anti-collectiviste, qui jette sur les choses un regard décapant. Lui aussi est un pessimiste endurci qui ne se fait aucune illusion sur les hommes, mais n’en a pas moins continué de lutter pour ses valeurs, dans le vague espoir de changer les mentalités et d’améliorer une organisation sociale aberrante. Seule nuance : Werth était plus misanthrope et quelque peu sceptique face à ce qu’il appelle « l’évangélisme anarchisant » de Mirbeau.

On comprend dès lors qu’entre eux se soit nouée d’emblée une relation de totale confiance. Le vieux lion fatigué et malade n’étant pas en état d’achever Dingo, entamé depuis plusieurs années, il demande à son jeune ami d’en écrire les derniers chapitres à sa manière. Vivement reconnaissant, Mirbeau fait publier chez Fasquelle le premier roman de Werth, La Maison blanche, lui fait cadeau d’une belle préface et se bat jusqu’au treizième tour, mais en vain,  pour lui décrocher le prix Goncourt 1913. L’année suivante, alors qu’il n’est plus du tout en état d’écrire, il accepte néanmoins de préfacer, bien péniblement, sa brochure Meubles modernes. Lorsque, cinq jours après sa mort, Alice Mirbeau fait paraître dans Le Petit Parisien le prétendu « Testament politique d’Octave Mirbeau », concocté par Gustave Hervé, Léon Werth fait partie des rares amis à protester, mais, dans une presse soumise à la censure et patriote à tous crins, il ne parvient pas à publier l’article dans lequel il démontre irréfutablement qu’il s’agit d’un faux patriotique, trahissant ignominieusement la pensée du grand écrivain disparu et entachant  gravement son image. Par la suite, il rendra à maintes reprises hommage à son vieux camarade disparu, notamment dans les Cahiers d’aujourd’hui, en 1922,  dans un article sur Mirbeau journaliste, et dans la préface à une réédition des 21 jours d’un neurasthénique, en 1954.

P. M.

 

Bibliographie : Claude Herzfeld, « La Verve mirbellienne de Léon Werth », Cahiers Octave Mirbeau, n° 10, 2003, pp. 159-166 ; Gilles Heuré, L’Insoumis Léon Werth, Viviane Hamy, 2005, pp. 24-26, 54-65 et 90-94 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Léon Werth », Société Octave Mirbeau, 2007 ; Jean de Palacio, « Léon Werth, doublure, continuateur ou alter ego  », Dix-neuf  / Vingt, n° 10, octobre 2000, pp. 65-76.

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