Familles, amis et connaissances

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Terme
MONTFORT, eugène

MONTFORT, Eugène (1877-1936), romancier d’inspiration naturiste, collaborateur de la Revue naturiste, aux côtés de Saint-Georges de Bouhélier et de Maurice Le Blond. Il est l’auteur de : Sylvie (1896), Chair (1898), Un an de caserne (roman antimilitariste et autobiographique paru en 1901 sous le pseudonyme de Louis Lamarque), Les Cœurs malades (1904), et surtout La Turque (1906), « roman parisien » qui était en lice pour le prix Goncourt. À partir de 1903, il a rédigé seul une revue littéraire au titre emblématique, Les Marges. Il est également l’auteur de 25 ans de littérature française, en deux volumes.

Montfort était  un grand admirateur de Mirbeau, qui l’a soutenu et promu. Il a pris contact avec lui en 1900, pendant l’Exposition Universelle, invitant carrément son aîné à déjeuner. Peu après il lui a consacré un grand article, « Octave Mirbeau », où il rendait hommage à un « véritable écrivain », révolté et passionné , et à un véritable artiste qui « s'exprime », par opposition au vulgaire homme de lettres ; plein de tendresse et de pitié, Mirbeau est aussi plein de dégoût pour la laideur et la sottise et de « haine pour l'ignominie » et il nous fait désirer une cité idéale (« Octave Mirbeau », La Revue naturiste, octobre 1900, pp. 110-117). Un an plus tard, Montfort a rendu compte élogieusement des 21 jours d’un neurasthénique (Revue naturiste, 1er octobre 1901), puis, en 1904, des Farces et moralités (Les Marges, pp. 120-122). Il lui a enfin consacré un long article nécrologique, où il le jugeait à juste titre « mal enterré » (« Avec Mirbeau », Mercure de France, 1er juin 1907).

De son côté, Mirbeau a été séduit par le jeune écrivain qui, sortant révolté du service militaire, lui a fait lire le manuscrit d’Un an de caserne, « livre excellent et qu’il faut lire », parce qu’il « est plus qu'un livre, un acte social !... » L’antimilitariste Mirbeau s’est fait un plaisir de le préfacer : « Des livres comme celui de M. Louis Lamarque sont, non seulement de bons livres, mais de bonnes actions. Ils ont une importance considérable, parce qu'ils apportent des documents précis, dont la valeur est indéniable… Ils apportent aussi un progrès, car, si indifférent que soit l’esprit des hommes, si molle et routinière l’âme des dirigeants, il y a des avertissements qu’on ne peut pas ne pas entendre… Et les améliorations se font pour ainsi dire d’elles-mêmes, par le déplacement qu’imprime aux coutumes et aux lois la force en quelque sorte cosmique des protestations. » En août 1904, il apprécie également Les Cœurs malades, où il relève « beaucoup d’accent, de sensibilité, de vérité » (Le Matin, 8 août 1904) et, en décembre 1906, il pronostique que les qualités de Montfort, qui « a l’avenir devant lui »,  finiront par lui valoir le prix Goncourt, en quoi il se trompe.

P. M.

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MORISOT, berthe

MORISOT, Berthe (1841-1895), peintre, dessinatrice et graveure française. Appartenant à une famille bourgeoise, elle prend très tôt des leçons de dessin et de peinture. Élève de Corot, elle travaille sur le motif et exécute des copies au Louvre, où elle rencontre Fantin-Latour, qui la présente à Manet. À partir de 1868, elle pose fréquemment pour lui (Le Balcon) et fréquente son atelier, où elle fait la connaissance de son frère Eugène, qu’elle épouse en 1874. La même année, faisant fi de l’opposition de Manet, elle expose pour la première fois avec les impressionnistes. Elle participera ensuite à toutes les expositions du groupe, sauf en 1879, en raison de la naissance de sa fille Julie. L’univers qu’elle peint est souvent familial et intimiste (Le Berceau, 1872, Musée d’Orsay). Par ailleurs, ses paysages, comme ceux de ses camarades, sont faits de jardins, de jeux d’eau et de lumière, mais avec des harmonies de blanc et de couleurs tendres qui lui sont personnelles et une écriture nerveuse qui rattache son art au XVIIIe siècle, à Fragonard en particulier (Eugène Manet et sa fille dans leur jardin de Bougival, 1881, Musée Marmottan). À la fin des années 90, sous l’influence de Renoir, elle abandonne les touches virgulées pour un modelé plus strict. Elle meurt prématurément d’une mauvaise grippe. Ses camarades impressionnistes organisent alors, chez Durand-Ruel, une vaste rétrospective de ses œuvres, avec une préface de Mallarmé, son ami de longue date. Selon Théodore Duret, premier historien du mouvement, elle appartient, avec Monet, Sisley, Renoir et Pissarro, au « groupe primordial des impressionnistes ». La postérité lui a donné raison, même si Berthe Morisot reste la plus méconnue des grands impressionnistes, n’ayant pas bénéficié de rétrospective récente.

Mirbeau la mentionne pour la première fois dans la presse en 1885, à propos de « ses études parisiennes si délicieuses et ses femmes si charmantes » (Combats esthétiques, I, 123). Rendant compte, l’année suivante, de la huitième et dernière exposition des impressionnistes, le critique donne une définition de l’art de Morisot dont il se dit troublé : « Il y a, dans ses œuvres exquises, je ne sais quel au-delà de curiosité maladive qui étonne et qui charme. Mme Morisot semble peindre à pointe de nerfs ; elle a des indications très sommaires qui sont de complètes et inquiétantes évocations. Quelques coups de pinceaux, deux ou trois touches pâles et délavées d’aquarelle, et cela vous émeut et vous fait rêver » (Combats esthétiques, I, 277). Curieusement, Mirbeau ne dit rien de la rétrospective posthume de 1896, mais il continue de louer « ces Berthe Morisot, enlevés comme à pointe de nerfs, et si délicieusement, si profondément féminins !... » (Combats esthétiques, II, 314). En 1909, dans sa Préface au catalogue du Salon d’automne, passant en revue les artistes auxquels le Salon rendit hommage, Mirbeau fait une place, dans son énumération, à « la vibrante et enchanteresse Berthe Morisot, qui peignit les femmes, les jardins, les serres et les eaux, en pleine sensibilité suraiguë et comme à pointe de nerfs, et qui, avec plus de grâce, peut-être, avec autant d’accent et un éclat pareil, devint l’émule de Manet, après avoir été son élève » (Combats esthétiques, II, 486). Mirbeau possédait deux œuvres de cette artiste : un tableau et une aquarelle, tous deux peints « à pointe de nerfs », bien sûr.



C.L.

 

Bibliographie : Stéphane Mallarmé - Berthe Morisot, Correspondance (1876-1895), Lausanne, Bibliothèque des Arts, 1995 et 2009 ; Octave Mirbeau, Combats esthétiques, tomes I et II, Paris, Séguier, 1993.

 

 


NATANSON, alexandre

NATANSON, Alexandre (1867-1936), après des études secondaires au lycée Condorcet, s’engage dans l’armée en 1885. Il fonde, avec d’anciens condisciples du lycée, le « Cercle des Escholiers », dont il est élu président le 13 octobre 1887, fonction qu’il cesse d’exercer en juillet 1889. Au cours de ce mois de juillet, il se marie et obtient sa licence de droit ; il prête serment en octobre, effectue le stage réglementaire et sans doute assiste son père dans ses affaires. En 1891, il prend la direction de la Revue Blanche, transférée à Paris, dont il assure la direction administrative et le financement. Son nom est inscrit au tableau des avocats en novembre 1894, mais, en décembre 1896, il démissionne sous la pression du conseil de l’ordre. Il vient de s’engager personnellement, ainsi que la revue, dans la défense des anarchistes espagnols torturés à Montjuich et s’apprête à lancer, avec le sulfureux Jacques Saint-Cère, Le Cri de Paris, hebdomadaire satirique, puis, peu après les Éditions de la Revue Blanche. La santé d’Alexandre, fortement altérée à partir de 1901, le contraint à céder Le Cri de Paris, puis à vendre à Fasquelle les Éditions de la Revue Blanche, ce qui entraîne l’arrêt du périodique en avril 1903.

Alexandre Natanson soutient des écrivains de tous bords : Jean Lorrain, Hughes Rebell, René Boylesve par exemple trouvent près de lui une écoute sensible. Il secourra Jarry. Il est passionné par Ibsen au point de donner le prénom de Bollette à sa seconde fille ; comme ses deux frères, il admire Lautrec, Bonnard, Vuillard et Vallotton, et se lie d’amitié avec Léon Blum. Il entretient une collaboration étroite et affectueuse avec les deux secrétaires de direction successifs, Lucien Muhlfeld et Félix Fénéon. Vigoureusement engagé dans la défense de Dreyfus, il réussit à convaincre Jules Renard de rédiger des Chroniquettes cinglantes pour le Cri de Paris, passe en cour d’assises en mars 1899 pour la publication de L’Armée contre la nation, en même temps que l’auteur Urbain Gohier, et, au moment du procès de Rennes, adresse à Emile Zola une lettre enflammée qu’il a fait signer à ses amis. Il ne recule pas devant le scandale que provoque la publication en feuilleton du Journal d’une femme de chambre dans la Revue Blanche, du 15 janvier au 1er juin 1900, même auprès de collaborateurs comme Gide et Ghéon (voir leur Correspondance, 1976), ou de Péguy (Cahiers de la quinzaine) : les seuls articles élogieux dans la presse sont ceux de Camille de Sainte-Croix (Revue Blanche), Coolus (anonyme, Le Cri de Paris) et Thadée Natanson (Le Soir).

Si, après l’affaire Dreyfus, une amitié profonde lie Octave Mirbeau et Thadée Natanson, plusieurs lettres de la Correspondance de Mirbeau montrent l’existence de rapports affectueux avec Alexandre et son épouse Olga, qu’Octave apprécie particulièrement et à laquelle il apporte son soutien lors de la maladie d’Alexandre. Installés avenue du Bois depuis leur mariage, Alexandre et Olga Natanson seront voisins des Mirbeau, lorsque ceux-ci s’installeront dans ce qui allait devenir l’avenue Foch, en 1901.

P.-H. B. et C.B.

Bibliographie : Paul-Henri Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement 1890-1905, Paris, Fayard, 1907 

 

 

 


NATANSON, misia

NATANSON, Misia (1872-1850). Fille du sculpteur polonais Cyprien Godebski, Misia passe son enfance dans un milieu artistique, rencontre Liszt chez son grand-père maternel (le violoncelliste Adrien-François Servais), côtoie Félicien Rops, est poussée vers une carrière de pianiste par Gabriel Fauré — carrière à laquelle elle renonce lorsqu’elle épouse Thadée Natanson en avril 1893 ; femme  libérée, dotée d’un instinct artistique exceptionnel, elle devient alors pour le groupe de la Revue Blanche une stimulatrice et un symbole. Vuillard, Bonnard et Roussel lui doivent leur émancipation du groupe des Nabis, mené jusqu’alors par Ranson, Sérusier et Denis. L’affiche de Toulouse-Lautrec qui la représente et les tableaux de Bonnard et de Vallotton manifestent son influence et la séduction qu’elle exerce alors sur beaucoup d’esprits, y compris Mallarmé — pour celui-ci, dont la muse était Méry Laurent, Misia et Thadée représentent la modernité de la jeunesse. Misia est une sorte de muse provocatrice, au sens où par son comportement, sa beauté, ses audaces calculées, elle stimule la création chez les artistes sans jamais intervenir directement dans le processus créateur. Pris par la direction éditoriale de la Revue Blanche, impliqué dans des causes humanitaires, sociales et politiques, engagé dans des projets industriels, Thadée n’est plus en mesure de mettre à sa disposition son temps et les moyens financiers correspondant à ses désirs lorsqu’en 1900, elle rencontre Alfred Edwards, homme d’affaires millionnaire, grand manipulateur, qu’elle épouse en 1903, au moment de la disparition de la Revue Blanche. Puis elle divorce une seconde fois et se marie avec le peintre catalan José-Maria Sert. Inspiratrice de Ravel, pressentant le destin de Serge Diaghilev, elle devient le mécène des Ballets russes, lance Chanel, se lie à Stravinsky, Picasso, Satie, Claudel, Proust, Cocteau, Renoir, Debussy, Morand et Radiguet. Ravel lui dédie plusieurs morceaux célèbres, qui sont encore un indicateur de cette stimulation créatrice.

Au moment de l’affaire Dreyfus, Mirbeau devient un ami intime de la famille Natanson, de Thadée surtout ; Misia faisait tourner bien des têtes, et il n’est pas improbable que Mirbeau ait eu un coup de cœur, ainsi qu’en témoigne Henri de Régnier. C’est par l’entremise de Mirbeau que Misia, à laquelle il désirait plaire, rencontre Alfred Edwards, son ancien patron au Matin, en juin 1900.

Dans son édition de la Correspondance (2009) de Mirbeau, Pierre Michel suppose que Misia pourrait être la dédicataire, désignée par les initiales M. N., des « Contes pour une malade », parus en feuilleton dans Le Journal en septembre 1900. Trois de ces contes se présentaient sous forme de lettres adressées à celle que Mirbeau appelle sa « chère petite amie ». Elles auraient constitué pour lui à la fois un moyen de faire sa cour et un procédé mettant en scène un double littéraire de la jeune femme ; elles sont aussi l’expression de la réaction que Misia savait susciter chez les artistes et les écrivains.

P.-H. B. et C. B.

 

Bibliographie : Paul-Henri Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement 1890-1905, Paris, Fayard, 1907 ; Arthur Gold et Robert Fizdale, Misia : la vie de Misia Sert, Gallimard, “Folio”, 1984 ; Paul Morand, L’Allure de Chanel, Gallimard, “Folio”, 2009 ; Misia Sert, Misia, Paris, Gallimard, 1952.

 


NATANSON, thadée

NATANSON, Thadée (1868-1951) Après des études secondaires au Lycée Condorcet, Thadée Natanson décroche sa licence de droit et prête serment, mais n’obtiendra pas son inscription au barreau. Il participe à la fondation de la Revue Blanche en Belgique, y collabore dès le second numéro par divers essais littéraires et les premiers chapitres d’un roman réaliste, Pour l’ombre. Membre dès 1887 du Cercle des Escholiers, dont il occupe les fonctions de secrétaire général d’octobre 1889 à décembre 1890, il fait monter, par Lugné-Poe, La Dame de la mer (1888) d’Ibsen en décembre 1892. Parallèlement, il fréquente les ateliers de peintres et tient, à partir de février 1893, la critique d’art à la Revue Blanche, installée à Paris depuis octobre 1891. En avril 1893, il épouse Misia Godebska puis reprend à Lucien Muhlfeld la fonction officieuse de rédacteur en chef de la revue. En 1898, il s’engage dans le combat en faveur du capitaine Dreyfus et ouvre, avec Léon Blum, les portes de la Revue Blanche aux dreyfusards. Il est l’un des membres fondateurs de la Ligue des droits de l’homme, au comité directeur duquel il siège. À partir de 1900, il collabore au Soir, puis entreprend diverses activités industrielles qui l’éloignent de la Revue Blanche, dont il laisse Félix Fénéon, habile pilote, ainsi que l’écrira André Gide, assumer la direction éditoriale.

Mirbeau a toujours été proche du groupe de la Revue Blanche, depuis le lancement de celle-ci à Paris. Mais c’est de l’affaire Dreyfus qu’il faut dater son amitié intime et durable avec Thadée Natanson. Après des divergences de vue esthétiques sur l’Art Nouveau et les Nabis, Mirbeau et Thadée se retrouvent, autour de 1900, dans une inclination désormais commune pour les jeunes peintres de la Revue Blanche, et surtout Bonnard, Vallotton et Vuillard, présents dans le musée idéal de La 628-E8  (1907). Mirbeau rédigera la préface du catalogue de la vente de la collection de Thadée, en 1908. Comme Thadée, Mirbeau ne conçoit pas la critique d’art en professionnel, mais en observateur ; comme lui encore, il distingue le combat politique de la posture critique — Forain et Renoir sont appréciés de l’un comme de l’autre. À la différence de Thadée, néanmoins, Mirbeau n’apprécie guère la révolution des matières et des formes favorisée par l’Exposition universelle, ne s’intéresse pas, tout au moins au début, aux nouveautés des arts graphiques et décoratifs.

Liés par une admiration réciproque, Octave et Thadée resserrent leur amitié par une collaboration théâtrale suivie. Pour Les affaires sont les affaires, pièce commencée à Cannes et achevée à Nice entre décembre 1900 et mars 1901, Mirbeau consulte Thadée, qui séjourne avec Misia dans la propriété de son père, à la Croix des Gardes. Désireux de faire le portrait d’un entrepreneur moderne, sans scrupules mais ingénieux, Mirbeau s’adresse à Thadée qui lui propose la production d’électricité comme exemple d’industrie moderne, et lui fournit tous les détails de la négociation avec les deux escrocs. Pour composer le personnage central, Isidore Lechat, Mirbeau et Thadée puisent dans leurs connaissances communes : Alfred Edwards, grand patron de presse, ancien propriétaire du Matin, directeur du Soir auquel avait collaboré Thadée, pourrait avoir légué à Lechat ses convictions socialistes, hypothèse étayée par le fait qu’Edwards était alors bien présent dans les vies de Mirbeau et Thadée : en juin 1900, il avait présidé une représentation de L'Épidémie, et Mirbeau, quelques jours plus tard, l’avait présenté à Misia Natanson au cours d’un gala organisé par la Ligue des droits de l’homme — Edwards épousera Misia en 1903. La première représentation des Affaires sont les affaires a lieu le 20 avril 1903, alors que la Revue Blanche vient de s’éteindre. Le succès de la pièce pousse Mirbeau et Thadée à poursuivre leur collaboration pour Le Foyer sur un sujet qui les réunit : les malversations liées aux œuvres de charité ; comme pour Les affaires sont les affaires, Thadée contribue à l’organisation des scènes auxquelles Octave donne leur forme littéraire. À l’inverse de Lechat, et contrairement à ce qu’ont imaginé les biographes de Misia, Arthur Gold et Robert Fizdale, le baron Courtin ne correspond à aucun modèle réel. En avril 1905, Mirbeau part pour la Hollande, la Belgique et l’Allemagne, voyage qui lui inspire La 628-E8. Le portrait de Thadée sous les traits du personnage de Weil-Sée, vieux Juif et ami fidèle, transpose et magnifie littérairement les relations chaleureuses qui l’unissent à Octave Mirbeau.

C. B. et P.-H. B.

 

Bibliographie : Paul-Henri Bourrelier, « Octave Mirbeau et l’art au début du XXe siècle », Cahiers Octave Mirbeau, n° 10, mars 2003, pp. 167-185 ; Paul-Henri Bourrelier, La Revue Blanche, une génération dans l’engagement, 1890-1905, Paris, Fayard, 2007, pp. 938-955 ; Paul-Henri Bourrelier, « Innovation et Écologie dans Les affaires sont les affaires », Cahiers Octave Mirbeau, 2010,  pp. 198-205.

 


NIETZSCHE, friedrich

NIETZSCHE, Friedrich (1844-1900), philosophe allemand, qui a tenté de dépasser le nihilisme de Schopenhauer : d’abord, par l’art, comme volonté ou comme représentation ; ensuite, par la connaissance ; enfin, par un effort de l’imagination et de volonté pour devenir un être supérieur, libéré de tous les faux respects et de toutes les fausses valeurs destinés aux fourmis. Parmi ses œuvres, citons L’Origine de la tragédie (1872), Humain, trop humain (1878), La Généalogie de la morale (1887), Le Crépuscule des idoles (1888), Ainsi parlait Zarathoustra (1892), Le Gai savoir. Il est devenu fou en janvier 1889 et a passé ses dernières années interné. Mirbeau possédait les traductions françaises, par Henri Albert, de toutes ses œuvres, publiées en quinze volumes de 1899 à 1907, imprimées sur des papiers précieux et superbement reliées.

 

Mirbeau a-t-il été influencé par Nietzsche ?

 

Étant donné qu'on a retrouvé dans la bibliothèque de Mirbeau des éditions originales de premières traductions des grandes œuvres de Nietzsche publiées au Mercure de France, dont l’un des traducteurs, l’anarchiste Alexandre Cohen, était d’ailleurs un ami de Mirbeau, on sait que Mirbeau avait lu Nietzsche... et avait beaucoup apprécié. Il nous a fait part lui-même de son admiration pour le « philosophe au marteau », hérault annonciateur de la mort de Dieu, destructeur des valeurs judéo-chrétiennes et de sa métaphysique. Mirbeau n’écrit-il pas dans La 628-E8, chapitre II : « Ah ! comme ils ignorent Nietzsche et comme leur est indifférent ce Rembrandt dont La Ronde de Nuit leur est inexplicable ! ». Ou encore, au chapitre VII : « J’eusse voulu parler de Wagner, de Bismarck et de Nietzsche… Une génération arrive aux affaires [en Allemagne], pour qui Nietzsche aura autrement d’influence que Wagner et une génération d’hommes plus subtils, amis de la paix, renonçant aux conquêtes impossibles, raffinés, et qui pourront changer une mentalité héritée des fiers-à-bras de 1871… La vie nouvelle qu’apporte Nietzsche n’a pas germé immédiatement sur la terre allemande. »

Saluons tout de suite, à la fois la perspicacité de l’interprétation mirbellienne de Nietzsche et l’infléchissement de sens qu’il lui fait pourtant subir. Perspicacité : car, loin de voir, dans l’exaltation nietzschéenne de la Volonté de Puissance, la soif nationaliste de conquêtes et de domination que prétendirent y trouver les pangermanistes, et loin de conclure du procès nietzschéen de la morale judéo-chrétienne du ressentiment à un prétendu antisémitisme de Nietzsche dont se réclameront abusivement les Nazis, Mirbeau a compris que Nietzsche nous appelle en réalité à épouser la vie en nous dépassant nous-mêmes, appelle l’homme à se vaincre lui-même, pour l’emporter sur le nihilisme, et que la seule guerre qui soit désirable est la guerre contre des formes culturelles figées, mortes et mortifères ; que la seule victoire qu’il nous invite à remporter est la victoire sur la médiocrité, la faiblesse, la stérilité de l’esprit, la victoire sur nous-mêmes. Mirbeau a recueilli le vrai message de Nietzsche, pour qui ceux qui jouissent de dominer les autres ont une âme d’esclave qu’ils s’efforcent de « draper dans un manteau royal ». Nietzsche déplorait que « la bêtise aryenne » ait « corrompu le monde », et dénonçait dans l’antisémitisme le ressentiment d’imbéciles envieux du génie juif. Mirbeau fait allusion à cette « vie nouvelle » que Nietzsche nous presse d’inventer, par exemple dans Les 21 jours d’un neurasthénique, où il qualifie l’un de ses personnages, Clara Fistule, d’« intermédiaire entre l’homme et Dieu, un interhomme, comme pourrait l’appeler Nietzsche ». Très net renvoi à ce que Nietzsche appelle le surhomme, qui assumera la mort de Dieu, créera une nouvelle table des valeurs, pour nous éviter de dégénérer en cet être veule, vil, répugnant, fuyant l’effort et la douleur dans de petits plaisirs faciles, cet épouvantail d’une sous-humanité à venir, que brandit devant cette foule Zarathoustra, le porte-parole de Nietzsche et qu’il nomme « le dernier homme. »

Cependant Mirbeau infléchit la pensée de Nietzsche en privilégiant son aspect négatif, lorsqu’il compare son message à La Ronde de nuit. Car, pour Nietzsche, l’avenir sera lumière, lumière du Surhumain après la nuit du nihilisme. Alors que, s’il arrive à Mirbeau d’avoir des accents nietzschéens positifs, c’est-à-dire d’inviter les hommes à développer « leurs facultés dominantes », d’opposer les âmes fortes aux âmes faibles et même, dans Le Figaro du 25 juillet 1890, d’évoquer « ce chemin de lumière ouvert devant vous », force est de constater que, de l’alternative nietzschéenne : ou bien le surhomme, ou bien le dernier homme, c’est surtout ce spectre redoutable et méprisable qui hante les écrits de Mirbeau, dont nombre de personnages incarnent ce naufrage de l’humanité.

Il est donc certain que Mirbeau a tiré parti de sa fréquentation de Nietzsche, même s’il a souvent, par l’entremise de ses créatures, écarté, rejeté la philosophie. C'est sans doute plutôt parce que Nietzsche est un psychologue hors pair, qui s'auto-analyse, un écrivain à part entière, un imprécateur du paulinisme chrétien, qui reprend la lutte initiée par Voltaire : Écrasons l'infâme !

M. A.

 

Bibliographie : Lucien Guirlinger, « Mirbeau et Nietzsche », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 228-240.


NOAILLES, comtesse anna de

NOAILLES, Comtesse Anna de (1876-1933), née princesse Bibesco Bassabara de Brancovan. Auteure de quelques romans, dont La Nouvelle Espérance (1903) et Le Visage Emerveillé (1904), elle fut surtout connue pour sa poésie : Le Cœur innombrable (1901), Les Eblouissements (1907), Les Forces éternelles (1920), recueil couronné par l’Académie Français. Elle créa, en 1904, avec Judith Gautier et Mme Alphonse Daudet, le prix Vie Heureuse, qui deviendra par la suite le prix Femina. Elle fut la première femme à siéger à l’Académie royale de Langue et de littérature françaises de Belgique (1921) et à devenir commandeur de la légion d’Honneur (1931).

Alors que ses textes sont publiés depuis 1898, il faut attendre 1904 pour voir apparaître le nom d’Anna de Noailles sous la plume de Mirbeau. Dans L’Humanité du 11 septembre,  il remercie Léon Blum qui l’a incité à vaincre ses préjugés liés au roman féminin (prolifique et médiocre), pour découvrir les œuvres de la comtesse. L’hommage qu’il rend à la clairvoyance de son confrère, en reprenant et en interprétant ses propos, lui permet ainsi de saluer indirectement le talent de cette femme de lettres. À l’exception de La Nouvelle Espérance, le premier roman d’Anna de Noailles, Mirbeau ne mentionne aucun autre titre dans son article. Et, répondant à l’enquête de Raoul Aubry, « Les Maîtres de nos maîtres », parue dans Le Temps du 22 septembre 1904, il affirmait encore que « La Nouvelle Espérance [était] un des plus beaux livres de notre temps ». Faut-il conclure qu’il n’apprécia que sa production romanesque ? Cela expliquerait pourquoi son exemplaire des Éblouissements, recueil de poésie (1907) dédicacé par la comtesse, ne fut que partiellement rogné.

La confession que Mirbeau fit dans L’Humanité, en 1904 lui attira la sympathie d’Anna de Noailles, avec qui il correspondit jusqu’en 1905. Il fut même le sujet de plusieurs de ses lettres avec Maurice Barrès. Dans un courrier daté du 9 novembre 1904, elle apprenait à son confident « que l’Académie Goncourt, je pense Mirbeau surtout, voudrait donner leur prix à mon livre, mais que Léon Daudet s’y oppose ». L’estime que lui portait Mirbeau fut cependant de courte durée : le personnage d’Anna de Noailles, « Madame Réclamier » comme la surnommait Paul Léautaud, l’insupporta au point que, dans La 628-E8 (1907), il la caricatura, sans la nommer, en poétesse imbue de son talent, idolâtrée et encensée par de « petites perruches de salon », tout en lui concédant « des dons merveilleux, une sensibilité abondante et neuve, un jaillissement de source, […] même un peu de génie »…

N. S.

 

Bibliographie : Octave Mirbeau, « À Léon Blum », L’Humanité, 11 septembre 1904, in Les Combats littéraires d’Octave Mirbeau, L’Age d’Homme, 2006, pp. 571-573 ; Octave Mirbeau, La 628-E8, pp. 399-400 ; Claude Mignot-Ogliastri, Correspondance Anna de Noailles-Maurice Barrès (1901-1923), èd. De l’Inventaire, 1994.


OHNET, georges

OHNET, Georges (1848-1918), romancier traditionaliste, qui possédait l’art d’obtenir de gros succès populaires et de gagner beaucoup d’argent grâce à de grosses ficelles, qu’Alexandre Dumas fils aurait tenté de copier pour « faire de l’Ohnet » et connaître à son tour des triomphes (voir « M. Alexandre Ohnet fils », La France, 16 décembre 1884). Ses œuvres les plus connues sont : Serge Panine (1881), qui a été adapté au théâtre avec un énorme succès, Le Maître de forges (1882), La Comtesse Sarah (1883), La Grande marnière (1885)… Il s’était fait le défenseur de la vieille aristocratie.

Aux yeux de Mirbeau, Ohnet est devenu le symbole de l’industrialisme et de la médiocrité hautement rémunératrice : à l’en croire, il aurait même été décoré pour avoir gagné 600 000 francs avec sa mauvaise littérature (« Lettres de ma chaumière » 15 juillet 1885). Pourquoi un semblable succès ? Parce que sa « platitude bourgeoise plaît au public » et que sa « médiocrité se donne des airs rangés et confortables » (« Les Idées de M. Delpit », La France, 25 février 1885). Et Mirbeau d’essayer de comprendre les raisons du succès d’Ohnet au théâtre, dans  Les Grimaces du 22 décembre 1883. Selon lui, cela est dû au fait que, ne travaillant qu’« en vue du public », Ohnet sait s’y prendre pour séduire des spectateurs qui ne cherchent au théâtre que des émotions superficielles inaptes à entamer leur bonne conscience et leur confort intellectuel. Tout d’abord,  « dans ses représentation de la vie », il « écarte avec soin les brutalités vraies, les nécessités irrémédiables et cruelles, pour leur substituer des complications arbitraires et des énergies factices ».  En deuxième lieu, « avec un parti pris évident, M. Georges Ohnet introduit le grand drame de l’amour et celui de l’argent dans des intérieurs réguliers, dans des existences normales et qui ne sont point faites pour eux ». Puis, « M. Georges Ohnet plante, au milieu de son ouvrage, un caractère de fer auquel tous les personnages et tous les incidents pourront se rattacher, avec une entière sécurité ». Enfin, « quand le diable dramatique que M. Georges Ohnet a laissé imprudemment échapper de la boîte et qu’il n’est pas de taille à y remettre, va, vient dans la pièce, menaçant de tout casser, l’auteur lâche alors son fameux moyen : celui de tuer cet hôte dangereux d’un coup de pistolet. Voilà le dénouement de Serge Panine et du Maître de forges. »

Il est bien possible que Paul  Ollendorff, qui est l’éditeur d’Ohnet, ait demandé à Mirbeau de faire lui aussi « de l’Ohnet », et par conséquent de l’argent, en lui confectionnant à la hâte un roman à la manière d'Ohnet, histoire de rentabiliser le juteux filon : ce roman, c’est Jean Marcellin (1885).  

Voir aussi la notice Jean Marcellin.

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Le Mystère Jean Marcellin », Cahiers Octave Mirbeau, n° 7, avril 2000, pp. 4-21.

 

 

 

 


OLLENDORFF, paul

OLLENDORFF, Paul (1851-1920), éditeur parisien. Fils de l’auteur d’une célèbre méthode d’études des langues étrangères, il a pris la direction de la Société d’Éditions Littéraires et Artistiques qui porte son nom et qui était située au 28 bis de la rue de Richelieu. Il s’est spécialisé dans l’édition de romans à succès : Georges Ohnet, que Mirbeau méprisait profondément, Guy de Maupassant, Paul Adam, Jean Lorrain, Paul Féval, Abel Hermant, Willy, Jules Renard... et Mirbeau.

            C’est en effet chez Paul Ollendorff que Mirbeau a publié les deux premiers romans signés de son nom, Le Calvaire (1886) et L’Abbé Jules (1888). C’est chez lui également qu’ont été publiés tous les volumes antérieurs, qu’il a écrits comme “nègre” (voir la notice Négritude) et qui ont paru sous les pseudonymes d’Alain Bauquenne (L’Écuyère, 1882, La Maréchale, 1883, Noces parisiennes, 1883, La Belle Madame Le Vassart, 1884, Amours cocasses, 1885), de Forsan (Dans la vieille rue, 1885, La Duchesse Ghislaine, 1885) et d’Albert Miroux (Jean Marcellin, 1885). C’est à coup sûr parce qu’il avait confiance dans un poulain qui avait abondamment fait ses preuves que, le 14 avril 1886, Ollendorff lui a consenti, pour Le Calvaire, des conditions inhabituellement favorables pour un auteur qui, officiellement, n’avait aucun roman à son actif : un très avantageux pourcentage de 14 %, pour une premier tirage fixé à 2 200 / 2 000 exemplaires, au lieu des 500 habituels, soit mille francs d’à-valoir, que, de surcroît, Ollendorff lui verse cinq mois avant la sortie d’un bouquin qui est alors très loin d’être achevé. Le succès de ventes du Calvaire permet à Mirbeau de bénéficier de conditions encore plus favorables, le 3 juin 1887, pour un roman qui n’en est alors qu’à ses premiers balbutiements et qui deviendra L’Abbé Jules : des droits d’auteur s’élevant à 21,4 %, pourcentage exceptionnel, et un premier tirage de 6 000 / 6 600 exemplaires, soit un revenu minimum garanti de 4 500 francs, somme très importante pour l’époque.

            Mirbeau quittera cependant Ollendorff, dont la production lui semble trop commerciale et qui, pour Le Calvaire, a subi des pressions contre lesquelles le romancier a dû se battre. Il se tournera vers Georges Charpentier pour publier Sébastien Roch (1890) et tous les volumes suivants. Mais il aura souvent à se plaindre de son nouvel éditeur et de son successeur, Eugène Fasquelle.

P. M.

 

            Bibliographie : Pierre Michel, « Mirbeau, Ollendorff et les droits d’auteur, Cahiers Octave Mirbeau, n° 12, 2005, pp. 273-276 ; Pierre Michel,   « Mirbeau et Ollendorff (suite)é, Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, 2007 , pp. 187-190. 


PAILLERON, édouard

PAILLERON, Édouard (1834-1899), auteur dramatique français peu productif. Gendre de François Buloz, dont il a épousé la fille en 1862, et par conséquent beau-frère de Charles Buloz, qui ne l’aimait guère, il est devenu l’un des propriétaires de La Revue des deux mondes, brocardée par Mirbeau, ayant hérité de la moitié des parts, ce qui n’est pas allé sans frictions avec son partenaire. Dramaturge doté d’un esprit fin, il est surtout célèbre pour sa comédie Le Monde où l’on s’ennuie, représentée avec un énorme succès le 25 avril 1881 au Théâtre-Français ; c’est une satire des milieux mondains où se fabriquent les célébrités littéraires, et elle comporte une caricature du philosophe mondain Elme Caro. Parmi ses autres comédies spirituelles et de mœurs, citons : Les Faux ménages (1869), L’Étincelle (1879), Hélène (1878) et La Souris (1887). Il a élu à l’Académie Française en 1882, et c’est Paul Hervieu qui lui succèdera en 1900. Son Théâtre a été publié en quatre volumes (1909-1912).

Mirbeau n’a eu que peu de relations avec Pailleron, trop éloigné de lui idéologiquement et socialement, mais il avait de la sympathie pour l’homme, qui lui a écrit une lettre chaleureuse sur Le Calvaire, et une certaine estime pour son esprit, dont témoigne notamment son discours de réception de Ludovic Halévy à l’Académie Française : « Je recommande à tout le monde de lire le discours de M. Pailleron, qui répondait à M. Ludovic Halévy. Il est plein de verve, d’esprit, de fine raillerie, de mots hardis qui n’ont point souvent la bonne fortune d’être entendus en ce lieu guindé et refroidi. Je n’en aime pas toujours les idées, mais, si contraires aux miennes qu’elles soient, je confesse qu’elles sont exprimées en un langage brillant, avec un entrain moderne et artiste qui leur donnent un charme particulier, auquel on ne peut échapper » (« Notes académiques », Le Matin, 5 février 1886). Par ailleurs, la satire du monde académique et d’Elme Caro dans Le Monde où l’on s’ennuie ne pouvait que plaire à Mirbeau, démystificateur de gloires usurpées, qui a lui aussi ridiculisé Caro dans L’Écuyère (1882).

P. M.

 

 

 

 

 


PELADAN, joséphin

PÉLADAN, Joséphin (1858-1918), romancier idéaliste et occultiste qui a impulsé une réaction contre le naturalisme et l’impressionnisme, et, plus généralement, contre le matérialisme et le scientisme. Il se faisait appeler « le Sâr », se prétendait mage assyrien et se distinguait par ses excentricités. Auteur d'une vaste « éthopée » en douze volumes, La Décadence latine, qui débute en 1884 avec Le Vice suprême, préfacé par Jules Barbey d'Aurevilly. Parmi  les autres romans de la série, citons Curieuse (1885) L’Androgyne (1891) et La Gynandre (1892). Il a fondé le Salon de la Rose-Croix en 1892 et tâché de concilier l’ésotérisme oriental et le catholicisme intransigeant. Il incarne une des formes prises par la réaction spiritualiste.

Mirbeau et Péladan n'ont guère eu de relations, et l'auteur de L'Abbé Jules se moquait des calembredaines mystiques de Péladan, ne voyant en lui qu'un mystificateur patenté et un vulgaire cordonnier. Il a ironisé sur son compte dans « La Livrée de Nessus » (Le Journal, 30 mai 1897), où il était question de visites chez « un nommé Érik Satie », possesseur d'éteignoirs ayant appartenu à Joséphin Péladan, « qui est, paraît-il, une espèce de dentiste vendant je ne sais quelles fioles dans les foires ». Cela n’a pas empêché Mirbeau d’envoyer au « Sâr » un petit mot chaleureux pour le remercier de Curieuse, ni Péladan de féliciter Mirbeau pour son article en faveur de Remy de Gourmont, « Les beautés du patriotisme ».

P. M.

 


PETIT, georges

PETIT, Georges (1856-1920), galeriste et marchand d’art, qui a contribué, comme Durand-Ruel, à faire connaître des artistes novateurs. Fils de François Petit, il a succédé à son père en 1877, s’est fait construire un hôtel particulier et a aménagé, rue de Sèze, une immense galerie comportant plusieurs salles luxueuses : inaugurée en 1882, elle est aussitôt qualifiée par Zola de « magasins du Louvre de la peinture ». Dès lors Petit a mené un train de vie extrêmement élevé, dépensant 400 000 francs par an. Avec quelques années de retard sur Durand-Ruel, il a commencé à acheter des toiles impressionnistes, mais s’est toujours arrangé pour réaliser un énorme bénéfice en les revendant. Il a présenté pendant des années une Exposition internationale de peinture, dont Mirbeau a rendu compte en 1885, 1886 et 1887, et où figuraient Monet, Renoir, Whistler, Sisley et Raffaëlli. C’est aussi la galerie Georges Petit qui a accueilli, en 1889, l’exposition Monet-Rodin et, en 1892, des expositions rétrospectives de Pissarro et de Renoir.

Pour les peintres, Georges Petit présente l’avantage inappréciable de disposer de grandes salles bien placées, ce qui est fort tentant. Mais, aux yeux de Mirbeau, qui est sans illusions sur le personnage, il tâche surtout de les rentabiliser en les utilisant « comme il peut », c’est-à-dire n’importe comment, en multipliant des expositions dépourvues le plus souvent du moindre intérêt (« Le Sport dans l’art », La France, 21 décembre 1884). C’est chez Petit qu’a lieu, en mai 1885, la première Exposition internationale de peinture, où les toiles de Monet qui y sont exposées incitent le critique à pronostiquer que « le Monet restera » et que sa cote ne va pas manquer de monter rapidement. C’est également chez lui que se tient, en 1889, l’exposition conjointe Monet-Rodin, que Mirbeau a encouragé ses deux amis à organiser de conserve. Ainsi écrit-il à Monet, en mai 1888 : « Puisque Petit vous offre la salle en octobre, acceptez-la. Tâchez de décider Whistler à envoyer à cette exposition quelques grands portraits. Rodin aura bien des choses nouvelles. Et cela fera une exposition de choix. Je ferai tous mes efforts pour obtenir de Magnard un grand article dans Le Figaro ; je vous promets le Gil Blas et Le Gaulois, et La France. Avec cela nous ferons un bon lancement. » Et dix mois plus tard : « Donnez l’épée dans les reins de Rodin. Il a besoin d’être stimulé. Je vais lui écrire aussi un de ces jours. L’occasion est unique pour tous les deux. Il ne faut pas qu’elle vous échappe. » L’ennui est que, au fil des mois et des tractations menées par le sculpteur, sans consultation de son co-exposant, Georges Petit se montre de plus en plus vorace : après avoir fait miroiter la gratuité de la galerie, puis exigé 8 000 francs de chacun des exposants, plus 10 % des ventes, il finit par leur imposer des conditions draconiennes : 10 000 francs chacun et 15 % des ventes. Financièrement, c’est un échec. Mais Mirbeau console son ami en y voyant malgré tout les prémices de succès à venir : « Ce qu’il y a de terrible, c’est Petit. Il n’y a aucune solidité dans ce caractère de gamin, de rastaquouère et de filou combinés. Et puis il ment avec une effronterie admirable... Je sais bien que les autres sont pareils, et qu’il a, plus que les autres, une salle. Mais peut-être y a-t-il une combinaison moins onéreuse à trouver ; et s’il croit en vous – ce qui dans le fond est certain – le faire participer davantage, à l’abri d’une sorte d’association.  Enfin, c’est un moyen à inventer, songez-y. »

P. M.


PETITBON, berthe

PETIBON, Berthe (née en 1850) est la sœur cadette d’Octave Mirbeau. Le 29 janvier 1871, à Rémalard, elle a épousé un négociant sensiblement plus âgé, Gaston Petibon, né en 1836, et Octave, qualifié d’étudiant, est le témoin de leur union et à ce titre signe le registre. Cela ne l’empêchera pas de souligner à maintes reprises les insuffisances de son beau-frère (il le juge « peu intelligent »), lequel fera de mauvaises affaires, avant de mourir, fin décembre 1895, et de laisser les siens fort désemparés. Berthe et Gaston Petibon ont eu trois enfants : Georges, Albert et André, que Mirbeau a reçus chez lui à maintes reprises et qu’il a aidés plusieurs fois, notamment au moment de leur baccalauréat, en intervenant en leur faveur auprès de Brunetière, puis lors de leur service militaire. Ils n’en ont cependant eu aucune reconnaissance, car ils auraient souhaité que leur oncle leur accordât 50 000 francs, supposés représenter la part de la succession de son propre père Ladislas, décédé en 1900, en guise de compensation financière pour les dépenses que leur grand-père Mirbeau aurait consenties pour aider son fils Octave avant son mariage.

P. M.


PEYREBRUNE, georges de

PEYREBRUNE, Georges de (1841-1917), pseudonyme de Mathilde Georgina Elisabeth Judicis de Peyrebrune, romancière à succès au cours des années 1880. D’inspiration naturaliste, ses œuvres les plus connues sont Marco, Gatienne (1882), Victoire la Rouge (1883), Les Frères Colombe (1885) et Les Ensevelis (1887). Figure discrète de la littérature féminine, elle n’hésite pourtant pas à prendre position contre la peine de mort – notamment au moment de l’exécution de l’anarchiste Vaillant en 1893 – , et en rejoignant le camps des dreyfusards aux côtés de son ami Joseph Reinach.

Le premier contact qu’eurent les deux écrivains se fit par lettre. Il semble d’ailleurs, en regard des quelques lettres conservées dans le Fonds Peyrebrune de la bibliothèque Municipale de Périgueux, qu’ils n’entretinrent qu’une courtoise et brève relation épistolaire. Celle-ci s’achève en juillet 1888.

En 1883, Peyrebrune faisait parvenir au rédacteur en chef des Grimaces, un exemplaire de son dernier roman : Victoire la Rouge. D’inspiration naturaliste, ce titre scandalisa le public de l'époque par la naïveté et les appétits bestiaux de son héroïne, une fille de ferme. Mirbeau en rendra une première fois compte dans Les Grimaces du 10 novembre 1883 puis, après relecture, dans le numéro du 1er décembre 1883. Il y compare le talent de sa consœur avec celui de peintres réalistes, Bonvin ou Millet. En dépit de cette admiration, il ne fut pas tenté de la rencontrer ou d’établir une quelconque relation.

Cette distance qu’il établit avec l’auteure traduit mal l’intérêt qu’il accorde à Victoire la Rouge. À la manière d'un « document humain », Mirbeau y a fréquemment puisé la matière de quelques-unes de ses œuvres. Il s'en servit, par exemple, pour écrire « Les Abandonnés », un conte publié dans L'Écho de Paris du 28 juillet 1890 et dont l'intrigue s'inspire du sort tragique de Victoire : une domestique est chassée par ses maîtres parce qu'enceinte. L'année suivante, Victoire la Rouge l'aida également à concevoir Le Journal d'une femme de chambre, qui commença à paraître en octobre 1891.

N. S

 

Bibliographie : Nelly Sanchez, « Victoire la Rouge : source méconnue du Journal d'une femme de chambre », Cahiers Octave Mirbeau n° 13, 2006, pp. 115-129 ; Nelly Sanchez « Lettres inédites d’Octave Mirbeau à Georges de Peyrebrune », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17,  mars 2010.


PHILIPPE, charles-louis

PHILIPPE, Charles-Louis (1874-1909), romancier d’extraction modeste, originaire de l’Allier, et qui a mené la vie modeste d’un employé de la Ville de Paris. Il s’est attaché à peindre, avec un mélange de réalisme et de sentimentalité, les gens humbles qu’il côtoie et qu’il connaît bien. Il a fourni des contes au Matin et publié : La Mère et l’enfant (1897), émouvant hommage à sa mère, édité à compte d’auteur, La Bonne Madeleine et la pauvre Marie (1898),  Quatre histoires de pauvre amour (1900), Bubu de Montparnasse (1901), dont l’héroïne est une prostituée aux prises avec son souteneur, Le Père Perdrix (1903), qui n’a pu obtenir le premier prix Goncourt pour des raisons de date de publication, Marie Donadieu (1904), que Mirbeau appréciait moins, et Croquignole (1906), où est évoquée la vie de pauvres employés de bureau.. Il est mort prématurément d’une fièvre typhoïde, alors qu’il travaillait à un nouveau roman, Charles Blanchard (publié en 1913), sans jamais avoir obtenu le prix Goncourt, en dépit des efforts de Mirbeau, qui lui a toujours manifesté publiquement son admiration pour son talent, sa sensibilité, son amour des humbles et sa simplicité.

Ainsi, en 1902, voit-il en Philippe un écrivain qui « apporte quelque chose de neuf à la littérature d’aujourd’hui », avec « des livres d’une émotion nouvelle », mais qui, pour cette raison même, n’a aucune chance de recevoir un prix académique (« Sur les académies », Le Journal, 12 janvier 1902). En juillet 1903, Philippe sollicite son aîné pour l’aider à faire pré-publier son nouveau roman dans les colonnes du Figaro : « J’ai immédiatement pensé à vous, qui m’avez toujours témoigné beaucoup d’amitié. Croyez-vous la chose possible ? Dans ce cas, voudriez-vous vous en occuper ? Dans le cas contraire, quel conseil me donneriez-vous ? Je n’ai aucun scrupule à m’adresser à vous parce que vous avez toujours combattu pour les jeunes gens et parce que vous l’avez fait avec force et avec dévouement. » Au mois de  décembre suivant, lorsque est décerné le premier prix Goncourt, Mirbeau soutient la candidature de Philippe, qui ne peut cependant concourir pour des raisons statutaires. Un an plus tard, Mirbeau n’apprécie pas assez Marie Donadieu pour solliciter le prix en faveur de son protégé, mais il a bon espoir pour que soit récompensé l’année suivante un auteur pour le « talent si vivant et si original » duquel il a une « prédilection » (Gil Blas, 7 décembre 1904). Lorsque Philippe, pour qui il a voté, associé à Eugène Montfort, proteste contre l’attribution du prix Goncourt 1906 à Dingley, l’illustre écrivain, Mirbeau est ennuyé par la maladresse de son ami, mais n’en affirme pas moins qu’il a « beaucoup de talent » et mérite le prix Goncourt (Gil Blas, 18 décembre 1906). Mais Philippe mourra trop tôt pour cela, et Mirbeau, fort affecté par sa disparition brutale, accusera Lucien Descaves, non sans quelque injustice, de s’y être toujours opposé.

P. M.

 

 


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