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Terme
SCHOPENHAUER, arthur

SCHOPENHAUER, Arthur (1788-1860), célèbre philosophe allemand, idéaliste, athée et radicalement pessimiste, auteur de Le Monde comme volonté et comme représentation (1819). Ses Pensées et fragments, traduits en français par Burdeau en 1880, ont vulgarisé sa pensée et lui ont permis d’exercer une influence considérable sur la littérature fin-de-siècle, alors que, de son vivant, il était très largement ignoré.

Comme tous les écrivains de sa génération, Mirbeau a été fortement influencé par le pessimisme de Schopenhauer. Il lui doit tout d’abord sa conception subjectiviste du monde, qui n’a pas d’existence autre que la perception ou représentation qu’on en a, et, par voie de conséquence,  de l’œuvre d’art, qui ne peut être qu’une représentation totalement subjective de ce que l’artiste ressent, et non la simple copie d’une réalité extérieure. Ainsi écrit-il au chapitre V de La 628-E8 (1907) : « Tous les êtres et toutes les choses n'ont pas d'autre vieillesse que la nôtre... Ils n'ont pas, non plus, d'autre mort que la nôtre, puisque, quand nous mourons, c'est toute l'humanité, et c'est tout l'univers qui disparaissent et meurent avec nous. » Dès l’entrée en matière, il semait le doute chez le lecteur en écrivant qu’il n’était pas en état d’affirmer l’existence objective des événements rapportés dans son récit ou journal de voyage : « Est-ce bien un journal ? Est-ce même un voyage ? [...] Il y a des moments où, le plus sérieusement du monde, je me demande quelle est, en tout ceci, la part du rêve, et quelle, la part de la réalité. Je n'en sais rien. » Il s’ensuit que l’œuvre d’art, qui doit exprimer « toute la vie », ne peut être aussi qu’éminemment subjective : « Il ne suffit pas que la vie soit racontée dans un livre pour qu’elle devienne de la littérature. Il faut encore que cette vie ait été pressurée, minimisée, falsifiée, dans tous les alambics où l’écrivain la fait passer : son imagination, sa philosophie, son esthétique », confie-t-il à Albert Adès à la fin de sa vie. Et, trente ans plus tôt : « En art, l’exactitude est la déformation et la vérité est le mensonge. Il n’y a rien là d’absolument vrai, ou plutôt il existe autant de vérités humaines que d’individus » (« Le Rêve », Le Gaulois, 3 novembre 1884).

L’empreinte de Schopenhauer est également perceptible dans le pessimisme métaphysique de Mirbeau, face à l’universelle souffrance, au sein d’un univers privé de sens, et dans son aspiration, faute de pouvoir trouver un bonheur stable et des plaisirs qui ne soient des illusions, à l’extinction du vouloir-vivre, au nirvana et à la dissolution dans le Grand Tout – il est symptomatique à cet égard que Mirbeau ait signé ses Lettres de l’Inde de 1885 du pseudonyme de Nirvana. Mais elle est aussi notable dans sa vision très noire de la nature humaine, dominée par des instincts qui la rapprochent des animaux, où le sexe et le meurtre ont partie liée et contre lesquels la raison de l’homme se révèle impuissante ; dans sa conception de l’amour comme dépossession, aveuglement, illusion et souffrance ; et dans l’idée que la contemplation de l’œuvre d’art constitue un moyen d’échapper, fût-ce provisoirement, à la Volonté qui anime indistinctement tout ce qui vit. Il n’est pas jusqu’à la gynécophobie du romancier français qui ne témoigne de la marque du philosophe allemand.

Néanmoins il existe entre eux une grosse différence : le pessimisme de Schopenhauer le conduit au détachement et à l’inaction, alors que Mirbeau est un perpétuel révolté, qui incarne l’intellectuel engagé, parce que, même lucide et désespéré, il ne cesse de se battre, dans le très vague espoir de changer l’homme et la société.

Voir aussi Pessimisme, Meurtre, Sexe, Amour et Gynécophobie.

P. M.

 

Bibliographie : Anne Briaud, « L’Influence de Schopenhauer dans la pensée mirbellienne », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 219-227.

 

 

 


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