Familles, amis et connaissances

Il y a 286 entrées dans ce glossaire.
Tout A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Z
Terme
AUDOUX, marguerite

AUDOUX (Marguerite), qui s’appelle en réalité Marguerite Donquichote, naît à Sancoins, dans le Centre de la France, le 7 juillet 1863. Elle perd sa mère à trois ans et se retrouve seule avec sa sœur Madeleine, après la fuite immédiate du père, lui même enfant abandonné. Une tante les recueille, puis la future romancière est élevée, de cinq à quatorze ans, par les sœurs de Marie Immaculée à l’Hôpital général de Bourges, qui fait également office d’orphelinat. L’une des religieuses, sœur Marie Aimée, la protège. Cet attachement, réciproque, marquera à jamais la future romancière. La chétive orpheline (qui ne dépassera pas le mètre quarante huit) est ensuite placée à Sainte Montaine, en Sologne, comme bergère d’agneaux et servante de ferme. Après une expérience relativement heureuse de deux années, de nouveaux « maîtres » arrivent, moins proches de l’adolescente qui, vers dix sept ans, éprouve un amour payé de retour pour Henri Dejoulx, le frère de la fermière. Mais la famille craint une mésalliance et chasse la servante. Nous sommes en 1881. la jeune fille est majeure et monte à Paris pour tenter de survivre en tant que couturière. Vingt années particulièrement noires durant lesquelles, notamment, d’une liaison orageuse, naît un enfant qui ne survivra pas. Marguerite Audoux ne tarde pas à se réfugier dans l’adoption puisque, devenue stérile, elle prend en charge Yvonne, la fille de sa sœur, tout en échappant au chômage à travers les emplois les plus ingrats (dans la buanderie de l’Hôpital Laennec, à la Cartoucherie de Vincennes). Plus tard, vers 1895, elle monte sa propre maison de couture. Elle prend alors le nom de sa mère, Audoux. C’est à partir d’Yvonne que les hasards de la vie vont orienter son existence vers la littérature. L’enchaînement du destin est le suivant : dans les années 1900, un jeune homme s’éprend de la nièce en question ; ce jeune homme, c’est Jules Iehl, alias Michel Yell en littérature, juriste et écrivain, ami d’André Gide. Yell s’aperçoit vite que l’objet de sa flamme est en réalité une créature légère qui se prostitue dans le quartier des Halles. Il va donc chercher – et trouver – consolation auprès de la tante, à qui il fait connaître ses amis écrivains et artistes : Charles Louis Philippe, Léon Paul Fargue, Léon Werth, Régis Gignoux... Le groupe auquel la jeune femme s’agrège, et qui forme un véritable cénacle – le « groupe de Carnetin », du nom du village de Seine et Marne où la bande se réunit de 1904 à 1907 – découvre que l’ancienne bergère écrit.

L’un d’eux, Francis Jourdain, connaît Octave Mirbeau par son père Frantz Jourdain, l’architecte qui préside le Salon d’automne. Mirbeau s’enflamme lui aussi pour le manuscrit de son roman autobiographique Marie Claire,  qui évoque les années 1866-1881, de Sancoins au départ pour Paris et où les faits sont assez fidèlement relatés, dans un style exceptionnellement pur et limpide.  Mirbeau lui fait obtenir rien moins que le Prix Fémina en 1910 et l’accompagne d’une retentissante préface, qui se clôt ainsi : « Lisez Marie-ClaireEt quand vous l’aurez lue, sans vouloir blesser personne, vous vous demanderez quel est parmi nos écrivains – et je parle des plus glorieux – celui qui eût pu écrire un tel livre, avec cette mesure impeccable, cette pureté et cette grandeur rayonnantes. »

Michel Yell, quant à lui, quitte définitivement Marguerite Audoux en 1912. Elle a quarante sept ans, lui trente cinq, mais surtout, il voudrait fonder une famille, avoir des enfants, ce qu’il réalise avec une autre. À cette époque, la romancière commence à prendre en charge les trois fils d’Yvonne. C’est également de 1910 à 1914 qu’elle connaît Alain Fournier. En 1920, paraît L’Atelier de Marie Claire, qui a encore un succès certain, fût il moindre que le premier. Ce decrescendo, malheureusement, se poursuit. La vie et l’œuvre vont comme s’éteindre progressivement : la santé est chancelante, les yeux en particulier, et le travail d’écriture, de plus en plus laborieux à tous points de vue, donne encore naissance à deux romans (De la ville au moulin, Fasquelle, 1926, et Douce Lumière, Grasset, 1937, posthume) et à des contes (La Fiancée, Flammarion, 1932). Marguerite Audoux s’éteint à Saint Raphaël, le 31 janvier 1937, sans grand bruit. Les quelques articles de presse que provoque l’événement sont sans commune mesure avec le tonnerre médiatique qui avait salué la couturière des lettres pour son Marie Claire en 1910.

Si Marguerite Audoux, comme tant d’autres, dut le passage de l’ombre à la lumière à celui qui imposait alors sa loi dans la République des lettres, il y eut, comme avec ses autres amis écrivains et artistes, un plus : l’amitié. En témoignent deux lettres envoyées par Mirbeau à la couturière en septembre et octobre 1911. Il la remercie pour ses fleurs, pour un pâté, lui explique comment il la défend pour le prix à la ligne des contes qu’elle destine à Paris Journal, la met en garde contre des publications prématurées, lui parle de la santé d’Alice et de la sienne, chancelantes, conclut par un « Vos amis qui vous aiment de tout leur cœur. » Autre marque de cette affection, dans l’autre sens : la tonalité des deux articles que la couturière des lettres écrit sur son aîné, avec comme cadre la maison de Triel. Le premier se conclut ainsi : « Il vient au devant de vous les deux mains bien ouvertes, et pendant qu’il garde les vôtres dans une pression pleine et chaude, on sent qu’il donne toujours plus qu’il ne prend » (« Portraits – Octave Mirbeau », Les Cahiers d’aujourd’hui, n° 1, octobre 1912, p. 10 11). Le second prend place dans le numéro spécial que Les Cahiers d’aujourd’hui consacrent à Mirbeau cinq ans après sa mort. Dans ces lignes d’hommage, on reconnaît bien l’empathie désabusée du solitaire : « La souffrance des choses tout autant que celle des êtres lui apportait à lui même une souffrance qu’il augmentait comme à plaisir. Rarement il riait, et lorsque cela lui arrivait, son rire était plus amer que gai » (« Ce que je sais de lui », Les Cahiers d’aujourd’hui, n° 9, 1922, p. 122 125). Dans la « famille » de Marguerite Audoux, où la plupart des compagnons de route ont quelque dix ans de moins qu’elle, Mirbeau représente sans doute la figure tutélaire du père.

À ce jour, il n’existe pas de « Société des Amis de Marguerite Audoux », mais, depuis 1937, elle trouve régulièrement une digne place dans le Bulletin des Amis de Charles Louis Philippe. Éditeurs et universitaires tentent, en particulier depuis les années 1980, de faire connaître la vie et l’œuvre, trop oubliées. Les deux premiers romans ont été réédités chez Grasset en 1987, le dernier chez Buchet Chastel en 2009. trois biographies ont paru à ce jour, la dernière en 1991. Un colloque a été consacré à la romancière en 2004. Depuis 1998 existe un Prix Marguerite Audoux, qui récompense une œuvre proche de l’inspiration ou de l’écriture de l’auteur de Marie Claire.

B.-M. G.

 

Bibliographie : Bernard-Marie Garreau, Marguerite Audoux, la couturière des lettres, Tallandier, 1991, pp. 165-171 et 202-205 ; Bernard-Marie Garreau, « Octave Mirbeau et Marguerite Audoux – Convergences thématiques et idéologiques », Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997, pp. 355-369 ; Bernard-Marie Garreau, La Famille de Marguerite Audoux, Presses Universitaires du Septentrion, 2000, t. I, pp. 255-269 ; Bernard-Marie Garreau,  « Présence d’Octave Mirbeau dans la correspondance a

Glossary 3.0 uses technologies including PHP and SQL