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CONTES CRUELS

C’est sous ce titre qu’en 1990 ont été publiés, à la Librairie Séguier, deux volumes de 554  et 668 pages comportant 150 contes et nouvelles de Mirbeau, parus dans la presse entre 1882 et 1902 et dont seuls un petit nombre avaient été recueillis par Mirbeau de son vivant dans les Lettres de ma chaumière (1885) et les Contes de la chaumière (1894), comme s'il n'attachait aucune importance à sa production journalistique. D’autres, nettement plus nombreux, ont été publiés après sa mort par sa veuve, dans divers recueils et plaquettes parus chez Flammarion : La Pipe de cidre, La Vache tachetée, Un homme sensible, Chez l’Illustre Écrivain et Un gentilhomme. En gestionnaire avisé, soucieux de ne rien perdre de sa production, Mirbeau a réutilisé nombre de ses contes parus dans la presse en les insérant dans cette œuvre-patchwork qu’est Les 21 jours d’un neurasthénique.  

Pour ce recueil, Pierre Michel et Jean-François Nivet ont emprunté à Villiers de l’Isle-Adam le titre de Contes cruels,  parce que la cruauté, sous toutes ses formes, est le thème unificateur de ces contes – par opposition aux Contes drôles, beaucoup moins nombreux. Ils entendent mettre en lumière la cruauté de l'inspiration mirbellienne : cruauté de la condition humaine, absurde et tragique ; cruauté des hommes, spontanément portés vers la violence et le meurtre ; cruauté de la femme, qui opprime et écrase l'homme ; cruauté, surtout, de la société, qui repose sur le meurtre et s'édifie sur l'écrasement du plus grand nombre, réduit à l'état de « croupissantes larves ». À quoi il conviendrait naturellement d'ajouter la cruauté du conteur et celle des différents narrateurs, qui se vengent, au moyen des mots, des maux que leur infligent la vie et la société. Choisissant un classement thématique, avec ce que cela peut parfois comporter d’inévitable arbitraire, ils ont donc regroupé les textes en six chapitres, en fonction des genres de cruauté qu’ils illustrent, et les ont présentés, à l’intérieur de chaque chapitre, dans l’ordre chronologique de leur publication. Ces chapitres s'intitulent : « L'universelle souffrance », « La férocité est le fond de la nature humaine », « La femme domine et torture l'homme », « L'écrasement de l'individu » et « Des existences larvaires ». La sixième parie est constituée par Les Mémoires de mon ami (voir la nootice), publié dans Le Journal pendant l’affaire Dreyfus.

 

Subversion du conte

 

Pour Mirbeau, comme pour beaucoup d’autres écrivains contemporains, le conte est avant tout une production alimentaire, car il joue alors un rôle de premier plan dans la grande presse, où il est, avec la chronique, un genre fort prisé du public. Pour les quotidiens, il est en effet une manière de fidéliser leurs lecteurs en leur offrant un espace ludique et en leur apportant une dose – modérée ! – d’émotion ou de gaieté. Mirbeau y voit aussi une occasion précieuse de faire ses gammes en y traitant des sujets et en y brossant des personnages et des décors auxquels il entend donner des développements dans ses œuvres romanesques : la rédaction de contes constitue donc un entraînement utile, comme naguère la négritude (voir la notice), et permet d’enrichir son « herbier humain » (Un gentilhomme) et d’accumuler une bonne réserve d’observations, d’anecdotes, de répliques et de descriptions susceptibles de servir dans des œuvres de plus longue haleine.

Mais, pour lui, il n’est pas question pour autant de réduire ses récits de presse à de vulgaires divertissements. Il entreprend donc de subvertir le genre : au lieu de rassurer et d’entretenir le misonéisme et la bonne conscience de ses lecteurs, majoritairement petits-bourgeois, il va les inquiéter et les obliger à « regarder Méduse en face » : c’est sa façon à lui d’être cruel. L’humour grinçant et l’horreur qu’il affectionne n’ont rien de gratuit et servent au contraire à déranger l’anesthésiant confort moral et intellectuel du lectorat pour le contraindre à réagir : tout vaut mieux que cette indifférence des troupeaux que l’on mène à l’abattoir... ou aux urnes (voir « La Grève des électeurs »).

C’est ainsi que l’accent est mis sur les aspects les plus noirs de la condition humaine et de l’humaine nature, afin de susciter un choc pédagogique : le tragique de notre condition mortelle et « l’horreur d’être un homme », selon la formule de Leconte de Lisle que Mirbeau se plaît à citer (« Les Bouches inutiles ») ; la souffrance consubstantielle à l’existence et l’aspiration au total détachement ou au retour au néant, conformément au pessimisme de Schopenhauer, que Mirbeau a fait sien (« Les Corneilles », « Tatou ») ; les impulsions homicides, qui peuvent saisir, à n’importe quel moment, chacun d’entre nous, et pas seulement la catégorie restreinte des professionnels de l’assassinat (« La Chanson de Carmen », « La Pipe de cidre » « Le Petit gardeur de vaches ») ; la loi du Meurtre (voir la notice), illustrée par les trois textes inauguraux du Frontispice, sur laquelle reposent toutes les sociétés, y compris celles qui se disent civilisées (« L’École de l’assassinat ») ; l’incommunicabilité et la guerre entre les sexes, qui font de l’amour une duperie (« Vers le bonheur ») et du mariage un enfer (Mémoire pour un avocat) ; et la dérisoire – et souvent douloureuse (« Un raté ») –  existence de quantité d’êtres humains déshumanisés et larvisés par une société oppressive et aliénante, qui les réduit à un état de simples mécanismes dépourvus de réflexion et de libre arbitre (« La Table d’hôte », « Pour s’agrandir », « La Première émotion »).

Mirbeau dresse ainsi l’inventaire des infamies humaines, des turpitudes sociales et de l’universelle souffrance, illustrant d’abondance la formule lapidaire dont il commentait un roman de Paul Bourget : « L’homme se traîne pantelant, de tortures en supplices, du néant de la vie au néant de la mort » (« Un crime d’amour »  Le Gaulois, 11 février 1886).

 

Une entreprise de démystification

 

En même temps qu’il cherche à frapper l’imagination du lecteur pour à l’obliger à réagir, Mirbeau alimente sa réflexion en lui présentant les êtres et les choses sous un jour nouveau et en l’amenant à s’interroger sur le bien-fondé de ses habitudes et de ses préjugés. Ses contes contribuent à démystifier et à désacraliser quantité de valeurs et d’institutions que le lecteur moyen a été conditionné à respecter aveuglément et sans réflexion. Farcis de surcroît d’allusions polémiques à l’actualité, ils sont le complément de ses chroniques journalistiques et des combats éthiques et esthétiques qu’il y mène.

 Il s’y livre en effet à une contestation radicale de toutes les institutions et y attaque toutes les formes du mal social de la fin du siècle : le cléricalisme qui empoisonne les âmes (« Monsieur le Recteur » ou « Après 1789 ! ») , le nationalisme qui pousse au crime ; le revanchisme et le militarisme fauteurs de guerre (« La Guerre et l’homme », « La Fée Dum-dum ») ; la monstruosité de la guerre (« Le Tronc »,  « Ils étaient tous fous ») ; l’antisémitisme homicide ; le colonialisme génocidaire (« Colonisons », « Maroquinerie », « Âmes de guerre ») ; le cynisme des politiciens qui arnaquent les électeurs (« Un mécontent ») ; le sadisme des  âmes de guerre  ; l’effroyable misère des prolétaires des villes (« Paysage d’hiver », « Dépopulation (II) ») et des campagnes (« L’Enfant ») ; la férocité bourgeoise (« Agronomie », « Monsieur Quart ») ; la pitoyable condition des prostituées (« Pour M. Lépine ») ; l’exploitation des pauvres et l’hypocrite et criminelle exclusion sociale (« La Bonne », « Le Petit mendiant », « Les Abandonnés », « Rabalan ») ; l’absurdité kafkaïenne de la prétendue “Justice” (« À Cauvin », « La Vache tachetée ») et de lois foncièrement inégalitaires et oppressives par essence (« Le Portefeuille »), dont les conséquences peuvent être homicides (« Le Mur ») ; et aussi le despotisme criminel de notre ami le tsar de toutes les Russies (« ? », « Récit avant le gala »).

La société française de la Troisième République apparaît alors dans toute sa folie, puisque tout y est à rebours de la justice et du bon sens, et dans toute son horreur méduséenne, puisqu’elle est à la fois criminelle et criminogène. Chez ceux que Mirbeau appelle des « âmes naïves », ou des « âmes simples », la lecture de ses contes, si cruelle qu’elle soit lors du premier choc, peut être l’élément déclencheur d’une prise de conscience civique. Du moins l’espère-t-il, mais sans se faire d’illusions sur la masse des lecteurs-électeurs.

Un très grand nombre de ces contes sont accessibles sur Internet, sur les sites de Scribd, de Wikisource, de La Pensée Française, de In Libro Veritas, et surtout de la Bibliothèque électronique du Québec, qui les a regroupés en quatre volumes : Contes I,  Contes II ,  Contes III et  Contes IV.

Voir aussi Les 21 jours d’un neurasthénique.

P. M.

 

Bibliographie : Anne Briaud, « L’Influence de Schopenhauer dans la pensée mirbellienne », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 219-227 ; Fernando Cipriani, « Cruauté, monstruosité et folie dans les contes de Mirbeau et de Villiers », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17, à paraître en mars 2010 ; Angela Di Benedetto, « La parole à l’accusé : dire le mal dans les Contes cruels », Cahiers Octave Mirbeau, n° 17, à paraître en mars 2010 ; Yves-Alain Favre, « Mirbeau et l'art de la nouvelle », Octave Mirbeau, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 343-350 ; René Godenne,  « Mirbeau nouvelliste », Lettres romanes, Louvain--la-Neuve (Belgique), février-mai 2001, n° LV-1-2, pp. 67-73 ; Claude Herzfeld, « L’Ouest méduséen des nouvelles d’Octave Mirbeau », Actes du colloque L’Ouest dans la nouvelle, la nouvelle dans l’Ouest, Presses de l’Université d’Angers, juin 2000, pp. 143-156 ; Bernard Jahier, « La Caricature dans les Contes cruels d'Octave Mirbeau » Cahiers Octave Mirbeau, n° 14, mars 2007, pp. 115-139 ; Samuel Lair,  « Un obsédant refrain : sortilège d’Orphée chez Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, mars 2001, pp. 183-198 ;  Pierre Michel, « Les Hommes de l’Ouest dans les nouvelles d’Octave Mirbeau », Actes du colloque L’Ouest dans la nouvelle, la nouvelle dans l’Ouest, Presses de l’Université d’Angers, juin 2000, pp. 157-168. ; Pierre Michel, « Mirbeau et Dans l’antichambre » Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, mai 1998, pp. 223-237 ; Pierre Michel,  « Octave Mirbeau et la marginalité »,  cahier n° 29 des Recherches sur l’imaginaire, Presses de l’Université d’Angers, décembre 2002, pp. 93-103 ; Pierre Michel et Jean-François Nivet, «Mirbeau conteur - Un monde de maniaques et de larves », préface des Contes cruels, Librairie Séguier, 1990, et Les Belles Lettres, 2000, pp. 7-31 ; Jean-François Wagniart, « Les Représentations de l’errance et des vagabonds dans l’œuvre d’Octave Mirbeau »Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, mars 2001, pp. 306-315 ; Robert Ziegler, « Jeux de massacre », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, avril 2001, pp. 172-182.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


CONTES DE LA CHAUMIERE

C’est un recueil de quatorze contes, paru en janvier 1894, soit beaucoup plus tard que ne l’eût souhaité Mirbeau, chez son nouvel éditeur, Georges Charpentier, dans la collection « Petite Bibliothèque Charpentier » à quatre francs le volume. Il était illustré par deux eaux-fortes de Jean-François Raffaëlli, qui était alors un ami de l’écrivain.  

Mirbeau y a repris, non sans les avoir quelque peu corrigées, dix de ses Lettres de ma chaumière de 1885, auxquelles il a ajouté quatre contes inédits en volume et parus entre-temps dans la presse : « La Confession de Gibory », « La Tristesse de Maît' Pitaut », « L'Oiseau sacré » (texte en partie repris d'un article paru dans Les Grimaces en 1883), et « L'Homme au grenier ». En revanche, il a supprimé douze textes : « Le Tripot aux champs », dont l'inspiration a dû lui paraître trop passéiste, voire réactionnaire, « Les Eaux muettes » et « Un Poète local », récits bretons, « Le Petit mendiant », « Le Crapaud », « La Bonne », « Veuve », trop marqué sans doute par l’imitation de Paul Bourget, « La Chasse », qui n’est pas à proprement parler un conte, « La Table d'hôtes », qui lui avait valu des protestations indignées de voyageurs de commerce, « La Guerre et l'homme », dialogue sans lien évident avec sa prétendue chaumière, « La Tête coupée », jugé probablement trop grand-guignolesque, ainsi que « Le Duel de Pescaire et de Cassaire », que Mirbeau s'était engagé à ne pas republier, à la demande du véritable Pescaire et à la suite d'une décision de justice.

Cette nouvelle sélection vise apparemment à renforcer la cohérence thématique (la condition des paysans normands) et l'unité de style. Quant au changement de titre, la substitution de Contes à Lettres et de la à ma, il répond visiblement à une double exigence : d'une part, l'éditeur Laurent mettait son veto à la reprise du titre originel chez un autre éditeur ; d'autre part, Mirbeau s'était entre-temps réconcilié avec Alphonse Daudet (depuis 1888) et ne souhaitait sans doute pas donner l'impression de continuer à prendre systématiquement le contre-pied des Lettres de mon moulin.

Les contes recueillis dans les Contes de la chaumière ont été insérés en 1990 dans les deux volumes des Contes cruels.

Voir aussi les notices Lettres de ma chaumière et Contes cruels.

P. M.

 

Bibliographie : voir celle des Contes cruels.

 


CONTES DRÔLES

Ce petit volume de 155 pages paru en 1995 aux Éditions Séguier comporte 21 textes,  contes et dialogues de Mirbeau, parus dans la presse entre 1885 et 1900, mais inédits en volume pour 18 d'entre eux : seuls « La Justice de paix »,  « Le Duel de Pescaire et de Cassaire » et « Le Père Gibory à confesse » ont paru antérieurement dans les Lettres de ma chaumière ou les Contes de la chaumière. Dans la pensée de l'éditeur, Jean-François Nivet, il devait constituer le pendant  et le complément des Contes cruels publiés cinq ans plus tôt. À la cruauté inhérente à la condition humaine et à la société bourgeoise de l'époque, et qui suscite la pitié ou l'horreur, s'opposerait le rire, à la fois vengeur, démystificateur et consolateur, qui a pour fonction essentielle, dans une intention didactique, de « dépiédestaliser » et de faire réfléchir. En fait, la seule différence est l'effet produit sur le lecteur, car les thèmes restent les mêmes, imprégnés du même pessimisme métaphysique, psychologique et social, et le rire est le plus souvent grinçant.

Il est à noter que « Les Deux amants » constitue la première mouture des Amants, farce recueillie en 1904 dans Farces et moralités ; que « Scrupules » donnera lieu, en 1902, à une adaptation théâtrale sous le même titre, Scrupules ; que « L'Étrange relique » sera inséré en 1900 dans Le Journal d’une femme de chambre, au chapitre XI ; et que « Les Affaires au ciel » a paru sous le pseudonyme de Jean Maure, le 13 janvier 1893, peu après le “suicide” du baron de Reinach, qui a rendu public le scandale de Panama.

P. M.

 

Bibliographie : Jean-François Nivet, « Le Rire d'Octave Mirbeau », préface des Contes drôles, Séguier, 1995,  pp. 9-16.


Correspondace avec Raffaëlli

Cette correspondance, partiellement croisée, a été publiée par  Pierre Michel aux Éditions du Lérot en  1993 (131 pages). Elle comporte une préface, un cahier d’illustrations et, en annexe, les douze articles ou extraits d’articles que Mirbeau a consacrés au peintre Raffaëlli.

Le volume est constitué pour l’essentiel des lettres du peintre : en effet, on n’y trouve malheureusement que trois lettres de Mirbeau, les autres n’ayant pas été retrouvées (quelques-unes, découvertes depuis, figureront dans le supplément de la Correspondance générale). Le volume n’en est pas moins intéressant pour ce qu’il révèle de l’évolution des goûts du critique : d’abord chantre et ami du peintre des banlieues, Mirbeau a fini par voir en lui un arriviste gonflé de son importance, et l’amitié de jadis lui est apparue comme une erreur.

Voir aussi la notice Raffaëlli.


P.M. 


Bibliographie : Pierre Michel, « Mirbeau et Raffaëlli », préface de la Correspondance Raffaëlli-Mirbeau, Tusson, Éditions du Lérot, 1993, pp. 7-14.


Correspondance avec Grave, Jean

Il s’agit d’un petit volume de 93 pages, paru en 1994 chez un très modeste éditeur parisien, les Éditions du Fourneau. Établie, annotée et préfacée par Pierre Michel, cette édition de la correspondance croisée entre le grand écrivain libertaire et le militant et théoricien anarchiste Jean Grave comporte 58 lettres — dont quelques lettres-fantômes –, mais n’est pas complète pour autant : il s’avère en effet que la police a saisi, chez Grave, quantité de papiers, perdus à tout jamais, et il semble que, à une certaine époque, le courrier de Mirbeau ait été lui aussi surveillé et que des lettres ne soient jamais parvenues à leur destinataire.

Elle n’en constitue pas moins un document précieux pour l'histoire de l'anarchisme intellectuel à l’ère des attentats. Elle permet en particulier de mieux appréhender les contradictions d'un écrivain anarchiste tel que Mirbeau, qui était déchiré entre des impératifs difficilement conciliables : celui de l'intellectuel engagé, soucieux de mener des batailles et de les remporter, et celui de l'artiste avant tout préoccupé par les moyens à mettre en œuvre pour exprimer la vérité du monde telle qu’il la perçoit, même si elle est politiquement inutile, voire contre-productive. D’où des relations ambiguës avec un militant tel que Jean Grave, qui ne voit dans la littérature qu’un outil au service d’une fin politique. Certes, Mirbeau lui a apporté à plusieurs reprises une aide décisive : il a fait reculer la Société des Gens de Lettres en 1894, il a préfacé son œuvre maîtresse en 1893, il a témoigné en sa faveur en 1894. Mais des divergences idéologiques ont fini par quelque peu fissurer le parfait accord qui régnait au début entre l'auteur de La Société mourante et son prestigieux préfacier. Ainsi Grave a-t-il été choqué par le décourageant pessimisme des Mauvais bergers en décembre 1897, et a-t-il jeté un regard désapprobateur sur les alliances passées, au cours de l’affaire Dreyfus, avec des politiciens ennemis de la veille, tels que Joseph Reinach.

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Jean Grave », préface de leur Correspondance, Éditions du Fourneau, 1994, pp. 7-14.


Correspondance avec Rodin

Publiée aux Éditions du Lérot en 1988, cette correspondance n’est pas croisée : elle ne comporte que les 160 lettres de Mirbeau à Rodin, conservées au Musée Rodin, et qui couvrent les années 1885-1910, mais non les réponses de Rodin, vendues en 1919 par Alice Mirbeau et restées inconnues à ce jour, à l'exception d’une lettre de 1895 relative à Camille Claudel et de deux extraits de catalogue, où l'on trouve notamment cette formule révélatrice, qui date de 1910 : « Vous avez tout fait dans ma vie, et vous en avez fait le succès. » Le volume comporte un cahier iconographique, un index et surtout le texte des articles que Mirbeau a consacrés à Rodin.

Si on les compare aux lettres de Mirbeau à Claude Monet et à Camille Pissarro, il apparaît que ses lettres à Rodin sont moins développées – nombreux sont les simples billets – et ne témoignent pas de la même complicité éthique et politique. Il connaît les faiblesses humaines de Rodin et son conformisme politique, il sait aussi qu’il est peu habile dans le maniement de l’outil des mots et peu au fait des recherches littéraires, et il lui épargne donc le plus souvent des analyses ou des prises de position qui eussent pu altérer leur amitié. L’écrivain ne s’en met pas moins totalement et humblement au service de son grand ami, qu’il considère comme un dieu et devant lequel il se sent tout petit et ne peut être que dithyrambique et acritique. C’est avec une remarquable efficacité qu’il soutient toutes les batailles menées par Rodin, à coups d’articles tonitruants, pour lesquels il sollicite généralement l’imprimatur du sculpteur, qui pourrait parfois être effrayé par les audaces provocatrices de son thuriféraire. 

Les lettres de Mirbeau à Rodin ont été insérées à leur place chronologique dans les trois premiers volumes de sa Correspondance générale. Quelques fautes de lecture ont été rectifiées, plusieurs datations ont été corrigées ou précisées, et les annotations ont été considérablement développées.



P. M

Correspondance générale

La Correspondance générale d’Octave Mirbeau, établie, préfacée et annotée par Pierre Michel, est en cours de publication à L’Âge d’Homme, Lausanne. Les trois premiers volumes, épais de près de mille pages chacun, en petits caractères, ont paru en 2003 (pour les années 1862-1888), 2005 (pour les années 1889-1894) et 2009 (pour les années 1895-1902). Le quatrième, qui couvre les années 1903-1916, devrait paraître en 2012, ainsi que le supplément comprenant les nombreuses lettres découvertes depuis la parution des premiers tomes. Chaque volume comporte une introduction biographique.

Par rapport aux premières éditions de correspondances partielles (avec Auguste Rodin, Camille Pissarro, Claude Monet et Jean-François Raffaëlli), la Correspondance générale présente plusieurs avantages : des lettres nouvelles y ont trouvé place (surtout adressées à Claude Monet), les annotations sont plus développées (surtout dans les lettres à Rodin) et un certain nombre de dates ont pu être corrigées.

Voir la notice Correspondance (dans la partie Thèmes et interprétations).


Correspondance Huret

Réalisée, préfacée et annotée par Pierre Michel, cette édition a paru en mars 2009 aux  Éditions du Lérot (285 pages). Partiellement croisée, elle comporte une centaine de lettres de Mirbeau, dont 47 sont inédites et sont conservées dans les archives familiales de Jean-Étienne Huret, ainsi que treize lettres de Jules Huret. En annexe, on trouve l'interview de Mirbeau par Huret, en 1891, deux articles de Mirbeau sur les deux enquêtes, littéraire et sociale, de son ami, la préface de Mirbeau à Tout yeux, tout oreilles, deux articles de Jules Huret sur Les Mauvais bergers et Le Journal d'une femme de chambre et la notice sur Mirbeau de la Grande encyclopédie, rédigée par Jules Huret. Le volume est complété par une chronologie et une bibliographie de Mirbeau et d'Huret, par un index nominum, et par un cahier d'illustrations.

Cette correspondance témoigne de la générosité manifestée par Mirbeau, l'ancien, de la reconnaissance extrême manifestée par le cadet, Huret, des services réciproques qu'ils se rendent, et de leur commun dégoût pour les milieux journalistiques, industriels et littéraires, sur lesquels ils ne se font aucune illusion et dont ils nous révèlent les coulisses peu ragoûtantes. Entre le romancier déjà influent et reconnu et le petit journaliste devenu grand reporter, existe une évidente convergence éthique et idéologique : tous deux sont infiniment curieux, lucides et dégoûtés ; tous deux sont soucieux, sur des plans différents et selon des modalités différentes, de dévoiler les réalités cachées, l’un dans ses reportages et ses articles, l’autre dans toute son œuvre, littéraire et journalistique. On comprend que Mirbeau ait été tenté de voir le prix Goncourt accordé à Jules Huret pour le premier volume de son enquête En Amérique, bien qu’il s’agisse d’un reportage et non d’un roman : deux lettres constituent la sténographie cocasse de deux réunions de l'Académie Goncourt où il mène bataille pour son ami.

Voir aussi la notice Huret.

P. M.



Bibliographie : Pierre Michel, « Octave Mirbeau et Jules Huret », préface de la Correspondance Mirbeau-Huret, Éditions du Lérot, 2009, pp. 7-18.


Correspondance Monet

Cette édition a paru à Tusson, aux Éditions du Lérot, en 1990. Outre les lettres (au nombre de 121, en comptant les “lettres-fantômes”), elle comprend les articles de Mirbeau consacrés à Monet, un cahier de documents iconographiques, une liste de mots-clefs, un index et une longue préface. En revanche, on n’y trouve aucune lettre de Claude Monet, hors un bref extrait de catalogue : elles ont en effet été vendues en 1919 par Alice Mirbeau et personne à ce jour ne les a retrouvées. Cette correspondance n’est donc pas croisée. Elle n’est pas non plus complète : aux lettres découvertes par Pierre Michel en 1967 et qui appartenaient alors à Mme Giordanengo, fille de Michel Monet, lui-même fils du peintre, s’ajouteront, dans les tomes III et IV de la Correspondance générale, une cinquantaine de lettres qui ont été vendues en 2001 et 2006 par les héritiers de cette dame.

Même incomplètes, les lettres de Mirbeau à Monet, qui couvrent un quart de siècle, de 1884 à 1910, n’en sont pas moins fort importantes pour la compréhension des idées esthétiques de Mirbeau et pour la connaissance de l’évolution du peintre et des luttes qu’il a dû mener et pour lesquelles son ami a été d’un secours constant, dans le cadre du système marchand-critique, sur lequel il n’entretenait pourtant aucune illusion. À la différence des lettres à Rodin, brèves et souvent pauvres, elles révèlent une parfaite communion d’esprit entre les deux amis, tant sur le plan artistique que sur les plans éthique et politique : ainsi Monet est-il spontanément dreyfusard et refuse-t-il avec le même mépris que Mirbeau la croix de la Légion dite “d’Honneur”. Ils ont aussi en commun une passion pour le jardinage et pour les fleurs, et plusieurs lettres sont consacrées à des échanges de renseignements sur l‘horticulture. Dans nombre de ses lettres, Mirbeau joue le rôle d’un psychothérapeute et s’emploie, avec efficacité, à remonter le moral du peintre, en le mettant en garde contre « la maladie du toujours mieux ». Ses éloges réitérés, qui reposent sur une connaissance intime des objectifs du peintre et dénotent un coup d’œil très sûr, et les conseils d’un homme habitué à frayer avec les éditeurs, les rédacteurs en chef des grands quotidiens et les principaux galeristes, sont extrêmement salutaires pour le moral d’un artiste en quête de renouvellement permanent et qui doute souvent de lui-même. Il tend constamment à se rabaisser lui-même pour relativiser le sentiment d’échec éprouvé par Monet dans ses phases de découragement. 

 Ces lettres sont aussi précieuses pour la connaissance de Mirbeau et de sa création. On y trouve en effet de nombreux jugements intéressants sur ses publications, sur ses propres recherches littéraires, sur le genre romanesque, pour lequel il n'éprouve plus que du dégoût, et sur les batailles qu’il mène pour faire jouer ses pièces.

P. M. 

 

Bibliographie : Pierre Michel, « À propos des lettres de Mirbeau à Claude Monet », à paraître en 2011 dans les Actes du colloque de Rouen Impressionnisme et littérature, Presses universitaires de Rouen ; Pierre Michel et Jean-François Nivet, préface de la Correspondance avec Claude Monet, Le Lérot, 1990, pp. 7-28.

 

 

 


Correspondance Pissarro

Cette édition de la correspondance de Mirbeau avec Camille Pissarro a paru à Tusson, aux Éditions du Lérot, en 1990. Outre ses 88 lettres (dont certaines sont adressées à la femme et aux fils de Camille), elle comporte une préface, un cahier iconographique, un index et le texte des cinq articles que le critique a consacrés au patriarche d’Éragny. À la différence de la Correspondance avec Rodin et de la Correspondance avec Monet, nous connaissons les réponses du peintre, qui ont été conservées et qui, pour la plupart, ont été publiées, par Janine Bailly-Herzberg, dans sa propre Correspondance. Elles sont largement citées dans les notes, ce qui permet de suivre au plus près les échanges entre les deux amis, dont l’admiration est réciproque et qu’unit un même engagement libertaire. On peut donc quasiment parler de correspondance croisée. À la différence de l’édition des lettres à Monet, elle est, de surcroît, presque complète. Autre différence avec les lettres à Monet et à Rodin : les lettres à Pissarro sont extrêmement concentrées dans le temps : même pas deux ans et demi ! L’explication tient à la rupture advenue en juin 1893, à la suite d’une visite inopinée de Pissarro à Carrières, en l’absence de Mirbeau : la neurasthénique Alice ayant refusé de le recevoir, le peintre en a été extrêmement mortifié et, dans son orgueil de prolétaire, n’a pas pardonné à l’écrivain, malgré tous ses efforts pour rentrer en grâce, de ne s’être pas assez dissocié de sa femme. C’est seulement en 1903, peu de temps avant la mort du peintre, que les deux amis se retrouveront enfin.

Malgré cette douloureuse séparation, conséquence d’un déplorable malentendu, les convergences éthiques, esthétiques et politiques n’en étaient pas moins très nombreuses et ont créé des liens qui semblaient extrêmement solides et dont témoigne abondamment les lettres échangées. Le critique éprouvait une véritable passion pour le peintre de l’harmonie, son affection et son admiration pour l’homme et pour le citoyen étaient toutes filiales, car il voyait en lui une manière de père idéal, qui avait su  transmettre à ses enfants son amour de l’art et ses exigences éthiques, tout en les laissant totalement libres de suivre chacun sa voie (voir son article de 1897, « Famille d’artistes »).

Mirbeau se sentait tellement en confiance qu’il pouvait parler à cœur ouvert et tout dire à son ami, ses doutes lancinants, ses tâtonnements, ses dégoûts, ses envies de voir sauter cette société immonde. Bien sûr, il est avant tout question de peinture et, en particulier, des tentatives de Mirbeau pour aider son aîné à vendre ses toiles, mais la  littérature n’est jamais oubliée pour autant et la situation politique est toujours présente à l’arrière-plan, au moment où va s’ouvrir l’ère des attentats et où l’on commence à rêver de transformations radicales de la société.

P. M.

 

Bibliographie : Lola Bermúdez : « Mirbeau-Pissarro : “le beau fruit de la lumière” », Actes du colloque Octave Mirbeau d’Angers, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 91-99  ; Pierre Michel et Jean-François Nivet, préface de la Correspondance avec Camille Pissarro, Le Lérot, 1990, pp. 7-24.


DANS LA VIEILLE RUE

Dans la vieille rue est un roman paru en avril 1885 chez Ollendorff, dans la collection « Grand in-18 » à 3 f. 50, sous le pseudonyme de Forsan, alias l’Italienne Dora Melegari (1846-1924). C’est le premier roman “nègre” de Mirbeau que j’aie pu identifier, grâce à une lettre de Mirbeau adressée à son éditeur Ollendorff, alors qu’il est en train d’en corriger les épreuves, imprimées chez  Chamerot. Mais nous ignorons dans quelles conditions il a été amené à composer ce roman, et, en particulier, si Dora Melegari lui a imposé un sujet ou bien s’il a été son seul maître. Quoi qu’il en soit, il y poursuit son entreprise de décrassage au vitriol de « ce petit cloaque de boue – rose et parfumé, mais de boue – qu'est le cœur des mondains », comme il l’écrira quelques années plus tard (« Paul Hervieu », L’Écho de Paris, 18 août 1891).

 

Le monde immonde

 

L’action est située sur la Côte d’Azur, à Hyères, ville qui n'est cependant pas plus nommée que ne le sera Luchon dans Les 21 jours d'un neurasthénique et qui est composée de deux quartiers bien distincts : le quartier chic, où vivent les riches venus villégiaturer, et la vieille ville, où habite la pauvre héroïne. Il s'agit une nouvelle fois du récit du sacrifice d'une innocente, Geneviève Mahoul, qui est dotée d’un prénom fortement connoté. Fille d’un médecin désargenté et dépassé, elle consacre sa vie à son frère handicapé, Maximin, dont la vie est constamment menacée et dont les traitements médicaux sont beaucoup trop coûteux. Mais le hasard d’une rencontre et le caprice d’une dame du monde, la comtesse de Crussolles,  l’introduisent dans un milieu qui n’est pas le sien, mais où elle attire le regard d’un officier noble à l’esprit un peu plus ouvert que son entourage, Georges de Briare. Ils semblent s’éprendre l’un de l’autre et un mariage est projeté, malgré le qu’en-dira-t-on. Toutefois la jeune femme finit par y renoncer, parce qu’elle n’est pas prête à sacrifier son frère, comme l’exige l’officier. Contrainte et forcée par la nécessité, elle se résigner à épouser un cousin commerçant, certes grossier, mais qui accepte de se charger de l’infirme et de payer ses soins médicaux. Sacrifice inutile, car le frère meurt pendant le voyage de noces : elle se retrouve dès lors condamnée à une vie sans espoir ni lumière : « S’il lui restait une perspective, elle n’était pas de ce monde », tels sont les derniers mots du récit.

Comme Julia Forsell, de L’Écuyère, Geneviève est victime d'une société mondaine bardée d’une bonne conscience hypocrite et homicide. Le romancier ne cède pas pour autant à un  manichéisme suspect, car, si les mondains qu'il met en scène sont rendus odieux par leur égoïsme,  ils ne sont pas individuellement responsables de ce qu'ils sont : simple produit de leur éducation et de leur milieu, ils reproduisent, sans même en avoir une claire conscience, des valeurs et des comportements propres à leur classe. Surtout, Mirbeau préserve leur complexité psychologique et crée des personnages véritablement humains, pétris de contradictions : ainsi, le séducteur professionnel qu'est le Russe Serge Lybine n'en est pas moins, en même temps, accessible à la pitié et au remords de sa mauvaise conduite envers Geneviève, qu’il a tenté de violer ; inversement, le brave capitaine de Briare, qui se croit prêt à sacrifier ses préjugés nobiliaires à son amour pour une pauvresse, est, en même temps, complètement indifférent au sort de son futur beau-frère, en qui il ne voit qu'un obstacle et qu'il tue mentalement sans le moindre scrupule.

 

Tragédie et ironie de la vie

 

Comme dans L’Écuyère ou La Belle Madame Le Vassart, Mirbeau a mis au point une machine infernale, où se combinent les engrenages des passions et des instincts et les fatalités du milieu social : c’est ce « mélange de forces intérieures et d'impulsions extérieures qui dirigent notre destinée et que nous ne saurions ni définir, ni déterminer », écrit le narrateur omniscient. La tragédie se déroule en trois actes : le premier présente le décor et les protagonistes et expose les données de la situation dramatique, le deuxième noue le drame et le troisième le dénoue, pour le pire. Extrêmement concentrée dans le temps (neuf mois seulement), elle respecte classiquement l'unité de lieu et l'unité d'action : un conflit moral qui tenaille la pauvre Geneviève, déchirée entre l’imprescriptible droit au bonheur et une morale sacrificielle inculquée par son éducation chrétienne.

L’effet tragique est renforcé par ce que Mirbeau appelle  « l’ironie de la vie », c’est-à-dire, en fait, celle du romancier qui tire les ficelles, piège à loisir ses personnages et, à l’instar du dieu de Rimbaud, semble prendre plaisir à les voir se débattre entre les mâchoires d’effrayants dilemmes. En l’occurrence, on l’a vu, il s’avère que le sacrifice de son amour et de son bonheur que consent Geneviève Mahoul, dans l’espoir d’assurer le salut de son petit frère, se révèle complètement vain, puisque, au retour de son odieux voyage de noces, elle découvre avec horreur que Maximin vient de mourir, sans qu'elle ait été présente pour lui offrir son aide au cours de son agonie ! Avec lui disparaît le sens qu'aurait pu avoir son sacrifice, qui est devenu “absurde”. Nouvelle ironie de la vie quand reparaît le tentateur, Lybine, qui lui fait entrevoir une vie d'aisance et de plaisir : Geneviève l'écarte vite, au nom de la « conscience du bien et du mal » que lui a inculquée sa religion, mais, si brève qu’ait été cette tentation d’une vie émancipée, elle est suffisante pour lui faire sentir plus douloureusement encore l'horreur de son emprisonnement à jamais dans une existence absurde et décolorée. Geneviève aura donc été dupée de bout en bout, et l’ironie du romancier – où l’on peut aussi voir une très moderne auto-ironie, une distance par rapport à son propre récit, comme à la fin de La Belle Madame Le Vassart – met en lumière la mauvaise pioche de ceux qui ont eu le tort de parier pour un dieu qui, à l’expérience, se révèle absent, sourd, impuissant... ou sadique. Tout se passe en effet comme si, dans un univers où tout va à rebours des aspirations de l’homme à la justice, chaque bonne action devait aussitôt recevoir sa punition, comme dans l’univers du Divin Marquis.

 

Les illusions de l’amour

 

Mirbeau s’emploie de nouveau à mettre en lumière les mortifères illusions de l’amour. Le lecteur est, un temps, incité à croire candidement, comme Geneviève, que l’amour existe, qu’il est tout-puissant, et par conséquent qu’un mariage reposant sur un amour partagé, qui ferait fi des différences de classes, appartient au domaine du possible. Mais c’est là une terrible erreur d’analyse ! Les relations entre les deux fiancés reposent en fait sur une foule de non-dits, lourds de menaces, et jamais ne s’établit entre eux la moindre communication véritable. Au contraire, on voit s’approfondir un abîme d'ignorance et d'incompréhension réciproques, car chacun n’est préoccupé que de soi et juge sa conception du monde si “naturelle” qu’elle devrait tout “naturellement” s’imposer à l’autre sans qu'il soit jamais besoin de s'en expliquer. Cet abîme qui, selon Schopenhauer, sépare les sexes de toute éternité est d’autant plus infranchissable qu’il se double ici de l’abîme qui sépare les classes et qui, de toute évidence, aurait fait de leur mariage un douloureux échec. Une nouvelle fois, « l’amour » se révèle, à l’expérience, gros de désillusions, de frustrations et de souffrances morales, comme s’il devait toujours y avoir un prix à payer en échange des quelques moments d’apparent bonheur que notre humaine condition nous autorise.

À défaut de se consoler dans la vie terrestre, on peut toujours rêver qu’on y parviendra dans une autre, comme le prétend le prêtre consulté par la jeune femme… à condition d'en payer le prix ! Est-il besoin de préciser que, pour Mirbeau, c'est là la pire des duperies ?

P. M.

 

Bibliographie : Pierre Michel,  « Introduction » à Dans la vieille rue, in Œuvre romanesque d’Octave Mirbeau, Buchet/Chastel – Société Octave Mirbeau, 2001, t. II, pp. 971-980 ; Pierre Michel, « Dans la vieille rue, ou le sacrifice inutile », introduction à Dans la vieille rue, Éditions du Boucher, 2004, pp. 3-16.  

 

 


DANS LE CIEL

Dans le ciel  est un roman paru en feuilleton dans les colonnes de L'Écho de Paris du 20 septembre 1892 au 2 mai 1893 et qui n'a été publié en volume qu'en 1989, aux Éditions de l’Échoppe, Caen, avant d’être inséré, en 2001, dans le tome II de son Œuvre romanesque, aux Éditions Buchet/Chastel. On peut se demander pourquoi Mirbeau a dédaigné de le publier en volume : peut-être a-t-il craint de donner une image négative des recherches esthétiques de ses amis peintres, déjà douchés par L’Œuvre de Zola ; peut-être l’a-t-il trouvé trop pessimiste et trop décourageant, à un moment où lui-même se débattait dans une interminable crise (littéraire, politique, existentielle et conjugale) ; peut-être tout simplement, et plus vraisemblablement, a-t-il considéré qu’un récit rédigé au fil de la plume à des fins alimentaires, et qui laisse de surcroît, un goût d’inachèvement, ne méritait pas d’être publié en l’état.

De fait, il s’agit d’une œuvre hors normes, sans doute parce que Mirbeau ne l’a pas publiée en volume et n’a donc pas eu à essayer le la faire rentrer de force dans les limites des codes romanesques en vigueur. Tout d’abord, le roman est en abyme, les récits s'emboîtent, et il y a trois narrateurs et trois je différents :  un premier narrateur, qui reste anonyme, est invité par un sien ami, un raté du nom de Georges, qui vit isolé sur un pic dominant l’environnement, et qui lui remet un récit autobiographique ; dans ce manuscrit il raconte des épisodes marquants de son enfance, puis sa rencontre décisive, pour son initiation à l’art, avec un peintre Lucien, dont il reproduit plusieurs lettres-témoignages, et qui, désespéré, a fini par se couper la main “coupable” de trahir son idéal. Ensuite, Mirbeau y rompt avec tout souci de réalisme, de vraisemblance et de crédibilité romanesque et flirte avec le fantastique et le symbolique. Enfin, il y manifeste un total mépris des règles habituelles de composition et n'obéit, dans sa narration, à aucun ordre logique ou chronologique, allant jusqu’à interrompre brusquement son récit, après une scène sanglante, d'autant plus brutale qu'elle est perçue à travers une porte fermée, sans que l'on entende plus parler du premier narrateur.

Dans le ciel témoigne d'une conception très pessimiste et pré-existentialiste de la condition humaine, où se combinent les influences de Pascal et de Schopenhauer : l'homme n'est qu'un « vil fétu »  perdu dans un univers sans rime ni raison et qui n'est pas à sa mesure ; il est condamné à une vie absurde, à l'angoisse existentielle, à la solitude et à l'incommunicabilité ; la souffrance est universelle et irrémédiable, dans un univers où l’idéal entrevu se révèle inaccessible et qui est un « crime », puisque tout ce qui vit y est mis à mort et qu’il faut manger ou être mangé.

Mirbeau, qui vient de se rallier officiellement à l’anarchisme, s’y livre également à une critique impitoyable de la société bourgeoise, de ses valeurs et de ses institutions, à commencer par la famille, où le monstrueux pouvoir du père est particulièrement stigmatisé : le narrateur l’accuse de déformer les pulsions naturelles des enfants, de tuer dans l’œuf leurs potentialités et leur curiosité intellectuelle, et de les empêcher à tout jamais d’être « adéquats à eux-mêmes ». Le résultat, c’est la fabrication de « croupissantes larves », dociles, aliénées et exploitables à merci.

Enfin et surtout Mirbeau y traite de la tragédie de l'artiste. Il met en scène un peintre, Lucien, directement inspiré de Vincent Van Gogh, qui s'est suicidé un an plus tôt, et dont Mirbeau vient d’acheter au père Tanguy les Iris et les Tournesols. Il va jusqu’à prêter à Lucien les toiles de Vincent, notamment La Nuit étoilée. À travers l’expérience de Lucien, il apparaît que l'artiste exigeant et qui voit le monde avec ses propres yeux est condamné à courir perpétuellement derrière un idéal qui toujours se dérobe, parce que les moyens dont il dispose, son cerveau et sa main, ne sont jamais à la hauteur de l'idéal qu’il s’est fixé, de sorte que la « maladie du toujours mieux » le condamne à la souffrance et à la frustration, voire à la folie et à la mort. Et puis, il est trop différent des « croupissantes larves » que sont les hommes ordinaires, crétinisés par la famille, par l'école et par l'Église, que le deuxième narrateur, Georges, dénonce vigoureusement, pour ne pas être incompris et moqué : dans la société bourgeoise, où règne le mercantilisme, les artistes novateurs ne peuvent trouver leur place, ils sont ridiculisés ou persécutés, et ils ne peuvent que difficilement vivre de leur art. Et, s'ils s'isolent, comme Lucien sur son pic, pour chercher leur voie « dans le ciel » dans le vain espoir de réaliser leur idéal, ils se condamnent à poursuivre des chimères : l'art est décidément mortifère et constitue une torture pour l’artiste en quête de l’œuvre dont il rêve.

P. M.

 

Bibliographie : Claude Benoît,  « Dans le ciel, un roman impressionniste ? », dans les Actes du colloque Octave Mirbeau, Presses de l'Université d'Angers, 1992, pp. 197-204 ; Laurence Brogniez, Laurence, « Dans le ciel : le “Chef-d’œuvre inconnu” d’Octave Mirbeau », Narratologie, n° 6, Littérature et représentation artistique, F. Parisot (éd.), pp. 197-217, 2005 ; Maria Carrilho-Jézéquel, « Le peintre-vampire ou la rupture artiste / société pendant la deuxième moitié du XIXe siècle : Mirbeau, Zola et Maupassant »,  Cahiers Octave Mirbeau, n° 7, 2000, pp. 37-50   ;  Samuel Lair, « Octave Mirbeau et le personnage du peintre », Cahiers d'études du récit français, n° XX, Université de Brest, 2004, pp. 119-129 ; Samuel Lair, « Octave Mirbeau et les clivages du Moi », Studia romanica  posnaniensia, Poznan (Pologne), décembre 2005, n° XXXII, pp. 123-142 ; Pierre Michel, « Introduction » à Dans le ciel, Œuvre romanesque de Mirbeau, Buchet-Chastel / Société Octave Mirbeau, mars 2001, tome II, pp. 9-20 ; Pierre Michel,     « Dans le ciel, ou la tragédie de l’artiste », introduction à Dans le ciel, Éditions du Boucher, 2003 ; Pierre Michel et Jean-François Nivet, préface de Dans le ciel, Caen, L'Échoppe, 1989, pp. 7-15 ; Valérie Michelet-Jacquot, « Octave Mirbeau et Marcel Schwob : autour de Dans le ciel », Octave Mirbeau : passions et anathèmes, Actes du colloque de Cerisy, 28 septembre-2 octobre 2005, Presses de l’Université de Caen, décembre 2007, pp. 135-150 ; Marie-Françoise Montaubin, « Les Romans d'Octave Mirbeau : “Des livres où il n'y aurait rien !... Oui, mais est-ce possible” », Cahiers Octave Mirbeau, n° 2, mai 1995, pp. 47-60    ; Joy Newton, « Zola, Mirbeau et les peintres : L'Œuvre et Dans le ciel », in Écrire la peinture, Éditions universitaires, 1991, pp. 47-58 ; Françoise Quéruel, « Dans le ciel  : tradition et modernité », Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997, pp. 181-189 ; Éléonore Reverzy, « Mirbeau et le roman : de l’importance du fumier », in Un moderne : Octave Mirbeau, J.& S. éditeurs – Eurédit, 2004, pp. 97-106 ; Lucie Roussel, « Subir ses peurs, vivre ses rêves :  cauchemars et folie chez Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n° 13, mars 2006, pp. 73-97 ; Anita Staron, Anita, « Octave Mirbeau : la douleur ou la douceur de vivre », in Octave Mirbeau : passions et anathèmes, Actes du colloque de Cerisy de septembre 2005, Presses de l'Université de Caen, 2007, pp. 227-236  ; Laurence Tartreau-Zeller, « Van Gogh, l'idéal de Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n° 1, 1994, p. 56-80 : Robert Ziegler, « Vers une esthétique du silence dans Dans le ciel », Cahiers Octave Mirbeau, n° 5, 1998, pp. 58-69 Robert Ziegler, « The Art of verbalizing the barking of a dog : Octave Mirbeau’s Dans le ciel », à paraître dans Nineteenth-Century French Studies ; Robert Ziegler, « The Uncreated Artwork in Mirbeau’s Dans le ciel », Nineteenth-Century French Studies, hiver 2007, vol. 35, n° 2, pp. 439-452 ; Robert Ziegler,  « Reaching up : Dans le ciel », ch. IV de The Nothing Machine – The Fiction of Octave Mirbeau, Rodopi, Amsterdam – New York, septembre 2007, pp. 77-94.

 


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DES ARTISTES

Il s’agit d’une publication posthume, parue chez Flammarion, en deux volumes de 294 et 300 pages, le premier en 1922 et le deuxième en 1924. Hubert Juin les republiera, mais incomplètement, dans la collection 10/18, en 1986.

Des artistes est un recueil de soixante-quinze textes sur l’art, essentiellement des articles parus dans la presse entre 1884 et 1910. Ils seront recueillis dans les Combats esthétiques de Mirbeau, en 1993. On y trouve aussi quelques articles sur la musique, qui seront recueillis dans Chroniques musicales.

En 1992, Régis Santon a monté un spectacle, en one man show, intitulé Des artistes, à partir de ce recueil. Voir son témoignage dans les Cahiers Octave Mirbeau, n° 1, 1994, pp. 81-82.


P.M. 



Bibliographie : voir la notice des Combats esthétiques.


DINGO

Dernier roman publié par Mirbeau, Dingo constitue en quelque sorte son testament littéraire. Conçu dans des conditions difficiles car le romancier, accablé par les soucis pratiques (aménagement de sa propriété de Cheverchemont à Triel, suites de l’affaire du Foyer) est victime, en mars 1912, d’un accident vasculaire en partie invalidant. Incapable d’achever seul une œuvre commencée en 1909, il fait appel au jeune Léon Werth pour le seconder. Ce dernier rédigera, sous la direction de Mirbeau, les trois derniers chapitres sur les treize que comporte le roman. L’œuvre paraît le 2 mai 1913, chez Fasquelle, après avoir été publiée en feuilleton dans Le Journal, du 20 février au 8 avril 1913.

 

Un jeu de massacre

 

Après l’échappée belle de La 628-E8, roman publié en 1907, Mirbeau en revient avec Dingo aux limites hexagonales et exiguës de la province. Ce repli géographique reflète sans doute la diminution des forces vitales de l’auteur, mais il lui fournit de nouveau un cadre propice à l’épanouissement de sa verve polémique. L’action est située à Ponteilles-en-Barcis, toponyme fictif qui démarque en fait Cormeilles-en-Vexin, où Mirbeau a résidé de 1904 à 1908. Fort d’une expérience personnelle, le romancier laisse libre cours à son imaginaire satirique débridé pour métamorphoser le petit village en symbole d’une société entièrement soumise au lucre, à l’hypocrisie et au conservatisme. Le chien du narrateur, Dingo, a pour charge de démasquer tous ces individus réfugiés derrière une morale et un quant-à-soi qui ne trompent plus qu’eux-mêmes. Au propre comme au figuré, l’animal aligne ses proies chapitre après chapitre, que celles-ci aient été réellement occises ou métaphoriquement exécutées par ses soins. Ainsi quelques poules et force moutons succombent sous les coups de leur prédateur, tandis que, tour à tour, les villageois subissent l’implacable instinct du dingo qui les désigne à son maître comme autant de parasites. Le roman se compose comme un immense « tableau de chasse », dont, selon Herpett, le naturaliste qui a offert le chien au narrateur, l’espèce à laquelle appartient Dingo serait la créatrice.

 

Le portrait de l’artiste en jeune chien



Au travers des aventures de Dingo, Mirbeau semble avoir tracé le portrait idéal de l’homme qu’il aurait voulu être. Caractère indépendant, indifférence à tous les pièges que tend la société à l’individu (honneurs, mode, pouvoir…), farouche « en-dehors », telles sont quelques-unes des vertus du jeune chien, réfractaire à toutes les tentatives civilisatrices auxquelles s’essaye sur sa personne le narrateur. Ce regard rétrospectif porté, au soir de sa vie, par l’auteur sur son itinéraire est une leçon de philosophie adressée à tous ses semblables. L’écart entre la volonté, les rêves, les désirs et l’existence réelle est un thème que développe en filigrane cette ultime charge contre son temps. Elle est une nouvelle preuve de l’angoisse qui, toujours, a étreint Mirbeau quant à la valeur de son œuvre et à la qualité de son engagement. De surcroît, elle témoigne du pessimisme profond qui imprègne le regard qu’il porte sur lui-même et sur autrui. Le roman, en exaltant, dans un premier temps, la figure idéale de Dingo semble vouloir conjurer les vieux démons de l’auteur, mais la mort de l’animal, qui s’étiole une fois enfermé entre les quatre murs d’un appartement parisien, marque d’un sceau tragique la fin des illusions.

 

Instinct contre culture

 

L’opposition entre le jeune chien et la gent villageoise est une parabole de la supériorité de la nature sur la civilisation. Un rousseauisme patent imprègne tout le roman qui vante les mérites d’une éducation libérée des entraves morales imposées par une société figée dans ses valeurs. Ces dernières, qui plus est, supposées garantir la justice et l’esprit républicain ne sont en réalité que des outils de domination dont pâtissent les plus faibles. Mais la figure du peuple n’est pas épargnée. La servitude volontaire fait des humbles autant de cibles faciles, de marionnettes passives, dupées et heureuses d’être dupées par les apparences. Un notaire sera toujours respectable à leurs yeux, et tant pis si celui de Ponteilles-en-Barcis les a volés et si ses successeurs agissent de même : la force de l’habitude l’emporte. Seuls les êtres les plus frustes, comme le jardinier Piscot et le braconnier Flamant, échappent à cette malédiction que les mouvements progressistes ont bien du mal à briser.

Pour autant, la solution de la loi naturelle est loin d’être la panacée, et Mirbeau ne sombre pas dans l’angélisme. L’instinct de Dingo en fait un prédateur et la pulsion de meurtre est chez lui irrépressible. Miche, la jeune chatte du narrateur, fidèle amie de Dingo, incarne à sa manière l’éternelle domination du féminin sur le masculin et la nature n’épargne en rien aux animaux les jeux de séduction, de domination et de cruauté qui sont le lot de cet animal social : l’homme.

Œuvre vitaliste mais sombre, roborative et méditative à la fois, Dingo est un des textes les plus émouvants de Mirbeau et celui qui porte le plus haut la leçon humaniste de celui que ses contemporains ont réduit, parfois un peu vite, à être uniquement le contempteur excessif des vices de son temps.

A. V.

 

Bibliographie : Michel Contart, « Dingo vu par un vétérinaire cynophile », Cahiers Octave Mirbeau, n° 6, 1999, pp. 142-168 ; Pierre-Jean Dufief, « Le monde animal dans l’œuvre d’Octave Mirbeau », Actes du colloque d’Angers, Octave Mirbeau, Presses de l’Université d’Angers, 1992, pp. 281-293 ; Christopher Lloyd, « Octave Mirbeau et Jack London fabulistes : de Dingo à Croc-blanc », Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997, 281-291 ; Enda McCaffrey, « Le Portrait d’un artiste en jeune chien – Incarnation et mouvement dans Dingo d’Octave Mirbeau », Cahiers Octave Mirbeau, n° 7, 2000, pp. 66-74 ; Pierre Michel, « Mirbeau et l’autofiction », Cahiers Octave Mirbeau, n° 8, 2001, pp. 121-134 ; Pierre Michel, « Octave Mirbeau le cynique », in Dix-neuf/Vingt, n° 10, 2002, pp. 11-26, et Un Moderne : Octave Mirbeau, Eurédit, 2004, pp. 171-185 ; Eléonore Roy-Reverzy, « Le mythe de la nature dans l’œuvre de Mirbeau », Actes du colloque de Clermont-Ferrand, Les Mythes de la décadence, CRLMC, 2000, pp. 23-36 ; Arnaud Vareille, « Éloge de la liberté », préface à Dingo, Palimpseste, 2009, pp. 5-40 ; Robert Ziegler, « L’Art comme violence dans Dingo », Cahiers Octave Mirbeau, n° 7, 2000, pp. 51-65 ; Robert Ziegler, « Non-human Narrative : Dingo », chapitre IX de The Nothing Machine - The Fiction of Octave Mirbeau, Rodopi, Amsterdam – New York, 2007, pp. 201-220.

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DREYFUSARD !

C’est sous ce titre qu’un éditeur bruxellois, André Versaille, a publié, en septembre 2009, un petit volume de 96 pages, format de poche, qui comporte un choix de dix articles de Mirbeau parus essentiellement dans L’Aurore pendant l’affaire Dreyfus, en 1898-1899, et déjà recueillis dans L'Affaire Dreyfus. Ils sont précédés d’une préface de Jean-Noël Jeanneney, « Un combat pour tous les temps » (pp. 5-8), qui dégage les enjeux de l'engagement de Mirbeau et met en lumière la tendresse qui l'anime, et suivis d’une postface de Véronique Leblanc, « Affaire de conviction », qui évoque brièvement les conditions dans lesquelles Mirbeau s'est engagé (pp. 89-94).

On y retrouve les textes majeurs de l’engagement dreyfusiste de l’écrivain : « Chez l'Illustre Écrivain »,   « Trop tard ! », « À un prolétaire »,  « Le Coup de bistouri », « Vainqueur de son ombre », « Palinodies ! », « À cheval, Messieurs », « Derrière un grillage – Hommage des artistes à Picquart »  et « En province ». Plus surprenant est le choix de l’appel « Aux hommes libres », paru dans Le Père Peinard, que Mirbeau a bien signé, mais qu’il n’a point rédigé.

Voir les notices L'Affaire Dreyfus, Affaire Dreyfus et Dreyfus..

P. M.

 


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