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Paru sous
le pseudonyme de Forsan, Dans la vieille rue est de nouveau le
récit émouvant du sacrifice d’une " vierge à vendre ",
comme l’étaient déjà Julia Forsell (for sale) de L’Écuyère
et Chantal de Varèse de La Maréchale.
De fait, le patriarcat, vieux de quelques millénaires d’oppression du
deuxième sexe, s’est adapté sans mal au règne de la bourgeoisie et au
culte de l’argent, et les femmes continuent de n’être qu'un cheptel
à la disposition des mâles et soumis à l’inflexible loi de l’offre et
de la demande.
"Vielle rue de Hyères, où est situé le roman"
Comme dans les
romans signés Bauquenne, Mirbeau-Forsan a mis au point une " machine
infernale ", où se combinent les " engrenages "
des passions et des instincts, d’un côté, et les " fatalités "
du milieu social, de l’autre : " mélange de forces intérieures
et d'impulsions extérieures qui dirigent notre destinée et que nous
ne saurions ni définir, ni déterminer ". Il s’agit donc
de nouveau d’un roman en forme de tragédie, où l’innocente Geneviève
Mahoul est hors d’état de faire face à un affrontement de forces contradictoires
qui la dépassent : la Nature et la Culture, les instincts du corps
et le refoulement imposé par des siècles de christianisme. Comme l’écuyère
du roman homonyme, elle ne peut qu’être broyée entre les mâchoires d’insoutenables
dilemmes, et son triste destin sera rendu encore plus pathétique par
" l’ironie de la vie ", expression de celle
du romancier qui tire les ficelles et joue avec la naïve Geneviève comme
le chat avec la souris.
Sans jamais céder
pour autant à la tentation du roman à thèse, Mirbeau s’emploie de nouveau
à mettre en lumière les mortifères illusions de l’amour, les conséquences
désastreuses du mariage monogamique et les effets dévastateurs de l’imprégnation
religieuse. Comme dans Sébastien Roch,
autre roman ironique, sa pitié douloureuse pour sa misérable héroïne
ne peut qu’inciter le lecteur à se poser des questions et à remettre
en cause l’ordre social.
Pierre MICHEL
Une édition critique de Dans la
vieille rue a été réalisée par Pierre Michel, et figure en annexe
du tome II de l’uvre romanesque de Mirbeau, Buchet/Chastel /
Société Octave Mirbeau, 2001.
Le texte du roman est accessible sur le site Internet des éditions
du Boucher, avec une nouvelle préface de Pierre Michel.
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