L'Ecuyère (1882)

 
 

Publié sous le pseudonyme d’Alain Bauquenne, L’Écuyère est un roman-tragédie qui développe un sujet abordé en 1880 dans une chronique, « Miss Zaeo », insérée dans Paris déshabillé : le contraste entre la vie chaste des gymnastes qui s’exhibent au cirque et qui ne sauraient se permettre le moindre excès, et les désirs qu’elles n’en éveillent pas moins chez les spectateurs mâles et si souvent blasés, qui s'enfièvrent devant leurs corps affriolants de statues magnifiques.

l'écuyère

L'Ecuyère par Toulouse Lautrec

Mirbeau-Bauquenne construit son récit avec toute la rigueur d'un mécanisme d'horlogerie, dans le cadre d'un roman de facture balzacienne. La tragédie de l’amour, qui illustre une conception schopenhauerienne des relations entre les sexes, se double d’une tragédie de la fatalité, qui se joue du cornélianisme naïf des deux héros : Julia, une chaste écuyère finlandaise avide de pureté, et dotée d’un nom symbolique (Forsell, for sale, c’est-à-dire «à vendre» en anglais), et Gaston de Martigues, un jeune noble idéaliste, mais qui vit dans une société de castes et de préjugés, à la fois hypocrite et mercantile. Les femmes ne sont que des proies que les hommes achètent ou violent, et que l’on jette avec mépris après usage.

Le viol de Julia Forsell, sirène à son corps défendant, résulte de la disposition initiale des pièces sur l’échiquier. Il sert de révélateur de la pourriture de tout un milieu, car, loin de n’être que l’œuvre d’un vulgaire détraqué sexuel et de se réduire à une simple «bavure», il nous est au contraire présenté comme le résultat d’un complot, comme l’œuvre collective du «monde», ce « loup dévorant », qui mériterait davantage le qualificatif d’«immonde» !

Mais si ce complot aboutit, c’est aussi à cause de « l’empreinte » laissée par l’éducation religieuse dans le cerveau de la belle écuyère. L’aliénation religieuse, véritable pourriture de l’âme dont est victime la luthérienne Julia, a ainsi conjugué ses effets à la pourriture de la haute société pour que soit mené jusqu’à son terme le sacrifice d’une innocente victime expiatoire.

Décidément, c’est déjà au vitriol que Mirbeau s’emploie à débarbouiller les salauds !

Préface

• Une édition critique de L’Écuyère a été réalisée par Pierre Michel, et figure en annexe du tome I de l’Œuvre romanesque de Mirbeau, Buchet/Chastel / Société Octave Mirbeau, 2000.

• Le texte du roman est accessible sur le site Internet des éditions du Boucher, avec une préface de Pierre Michel.
 

 
 

Romans

 
 

La Maréchale, La Belle Madame le Vassart, Dans la vieille rue, La Duchesse Ghislaine, Le Calvaire, L'Abbé Jules, Sébastien Roch, Dans le Ciel, Le Jardin des supplices, Le Journal d'une femme de chambre, Les 21 jours d'un neurasthénique, La 628-E8, Dingo, Un Gentilhomme.

 
 
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